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Tromperie à propos des cigarettes non-inflamatoires
Des documents internes issus de l’industrie du tabac révèlent que cette dernière a trompé les citoyens ainsi que les legislateurs à propos de cigarettes conçues pour présenter un risque minime d’inflammation. Les fabricants ont affirmé que de telles cigarettes ne se vendraient pas, même si d’autres de leurs recherches ont montré que les fumeurs étaient incapables de différencier ces cigarettes des autres.
Dans tous les pays où les données sont consultables, on constate que les cigarettes sont la première cause de décès par incendie. Rien qu’aux Etats Unis, un millier de personnes sont tuées chaque année dans des incendies liés à l’inflammation par cigarettes, un tiers d’entre-elles n’étant pas le fumeur responsable.
Au début de janvier 2003, l’Etat de New York doit lancer une première mondiale en proposant des contraintes de sécurité incendie concernant la cigarette pour lutter contre ce problème.
Des efforts pour réduire le risque d’incendie dû à l’inflammation de cigarettes ont commencé dans les années 1970 alors que l’industrie faisait des essais sur différents mélanges de tabac, sur des additifs anti-feu ou sur des papiers à faible porosité empêchant une trop grande quantité d’oxygène d’atteindre le foyer des cigarettes. Toutes ces cigarettes étaient conçues pour s’éteindre d’elles-mêmes au bout d’un temps défini de « non-tirage ».
Alors que les industries du tabac développaient avec succès des cigarettes non-inflammatoires, elles ne cessaient de prétendre que les fumeurs n’en voudraient pas. En 1994, le géant américain du tabac RJ Reynolds Tobacco déclarait : « Nous ne savons pas comment fabriquer une cigarette qui proposerait une faculté réduite d’inflammation et qui serait acceptable pour le consommateur...nos tests auprès de fumeurs ont montré que de telles cigarettes n’étaient pas commercialisables ».
Pas de différence ?!
Cependant, Andrew McGuire, directeur de la Trauma Foundation, une organisation basée à San Francisco qui s’occupe de campagnes pour prévenir les blessures accidentelles, a découvert des documents internes de l’industrie du tabac qui prouvent que cette dernière était en mesure de fabriquer des cigarettes non-inflammatoires appréciables par les fumeurs, et ce, dès 1985.
Avec son équipe, il a recherché des documents extraits d’un Accord Général signé en 1998 entre les compagnies du tabac et le Gouvernement Fédéral Américain.
Un rapport concernait des tests de consommation effectués en 1993 par RJ Reynolds avec des cigarettes modifiées grâce à des additifs pour résister à l’inflammation et faites avec du papier moins poreux qui réduit les risques incendiaires. Ce rapport conclut que les consommateurs n’ont pas trouvé de différence notable entre ces cigarettes et les cigarettes classiques.
Un document de la compagnie de tabac Philip Morris daté de 1987 montre qu’une étude sur différentes cigarettes non-inflammatoires apportait des conclusions similaires : « les cigarettes modifiées semblent être indifféremment acceptées par les fumeurs ».
Un produit à handicap
McGuire croit savoir qu’un document annexe montre pourquoi l’industrie du tabac était si réticente à proposer les nouvelles cigarettes. En 1983, un document émanant de la British American Tobacco disait en substance que le développement des cigarettes non-inflammatoires ne se ferait pas en raison de connotations contraignantes liées au produit lui-même.
Ce qui fait dire à McGuire que l’industrie craignait que la mise sur le marché de cigarettes non-inflammatoires signifierait que les cigarettes normales étaient moins sûres. Cela pourrait exposer les fabricants à des poursuites judiciaires lancées par des victimes d’incendies causés par des cigarettes classiques.
Un porte-parole de Philip Morris déclare à ce sujet que l’enquête de McGuire « [n’est qu’] une sélection très partielle d’un petit nombre de documents ». D’ailleurs, l’entreprise a l’an passé incorporé du papier à « combustion faible » pour l’une de ses marques, les « Merit ».
Alors que le New Scientist mettait sous presse, RJ Reynolds n’avait toujours pas répondu aux questions sur le sujet. Cependant le site web de la compagnie s’en prend au fumeurs distraits - pas aux cigarettes - pour les causes d’incendies : « tout ce qui brûle et qui est utilisé sans faire attention représente un risque potentiel de mettre le feu ».
McGuire rejette cet argument et demande : « que diriez-vous à quelqu’un dont un proche est mort brûlé dans un incendie causé par la cigarette du voisin ? ».
Une vraie partie de ping pong
Le porte-parole de Philip Morris a indiqué au New Scientist que sa compagnie appuie les lois fédérales visant à rendre les cigarettes moins susceptibles de causer des incendies.
Mais Peter Grannis, membre de l’Assemblée de l’Etat de New York qui a mis en avant la législation sur la protection incendie, affirme que l’industrie du tabac n’a utilisé son influence politique que pour mettre dos à dos les législateurs des Etats et ceux de l’Etat Fédéral. « Cette question se fait trimballer dans tous les sens entre ces instances depuis 18 ans ».
L’Etat de New York va dévoiler ses projets de loi concernant la sécurité contre les incendies le 1er janvier 2003 et l’industrie du tabac aura 6 mois pour s’y conformer. Malgré cela, la législation de l’Etat pourrait bien être contrée par un projet de loi fédéral éxaminé par le Congrès. Connu sous le nom de projet Stearns-Towns, il a été critiqué pour ses aspects vagues concernant les dates de mise en application de nouvelles mesures. Les co-instigateurs de ce projet de loi ont reçu plus de 200.000 dollars de la part de l’industrie du tabac.
Grannis rappelle que cette industrie devrait être concernée par la législation de l’Etat de New York ; et il s’interroge : « comment peuvent-ils vendre des cigarettes qui pourraient épargner des vies à New York mais ne pas les vendre dans le New Jersey ? ».
(James Randerson - New Scientist, 12 décembre 2002)