Nouvelle terreur contre les fumeurs
Dans la rubrique « Rebonds » de LIBERATION un article du sociologue Pierre Henri Jeudy qui parle de « Nouvelle terreur contre les fumeurs ». Selon lui « certains commencent à dire que fumer est un acte politique, un acte « engagé », dans une société qui n’organise pas seulement la chasse aux fumeurs mais qui vilipende la tolérance elle-même » et où « ceux qui manifestent encore un respect à l’égard de ceux qui portent la mort autour d’eux deviennent complices d’un suicide collectif », sachant « qu’aucune courtoisie n’est possible envers ces destructeurs de vie humaine ». Affirmant que « dans une société soucieuse de gérer au mieux les risques qui la menacent, il ne s’agit plus de discuter la légitimité des interdits mais de faire appel à une fonction salvatrice de répression », l’auteur estime que « la chasse aux fumeurs ne peut être de toute évidence qu’un prétexte pour mettre en œuvre une légitimation des haines collectives contre les faiblesses d’un civisme condamné pour sa coupable mansuétude ». Le sociologue qui considère que « les tolérants (...) sont traités comme des faibles », assure que « « l’individu à risque » coûte trop cher à une société qui ne peut plus se permettre de tolérer les aventures suicidaires de ses membres ». Selon lui, pour parvenir au « risque zéro » il faut « passer par la délation organisée, dénoncer les coupables, les poursuivre en justice » mais il est « inutile de s’attaquer aux autres modes de pollution ». Considérant qu’en « s’acharnant contre les fumeurs on se confronte à la visibilité du mépris de la vie humaine », il précise que « le moralisme qui se propage (...) ne sert que de décor mental à une opération sanitaire qui ressemble (...) aux abattages de poulets (...) pour tenter d’arrêter la grippe aviaire ». Pierre Henri Jeudy qui se souvient de la photo sur laquelle on avait retiré des doigts de Jean Paul Sartre la cigarette qu’il fumait « au nom de la bienséance qui caractérise notre époque », alors que « c’est une partie de lui-même », en déduit que « la chasse aux fumeurs, en s’inscrivant rétroactivement dans l’histoire se donne des artifices d’une correction patrimoniale qui lui permet de prendre son envol pour l’avenir ». D’après l’auteur, aujourd’hui, « à la place de la séparation entre « espace fumeur » et « espace non fumeur » il y a désormais les tueurs face aux défenseurs irréductibles de la vie saine » et « chacun est appelé à être responsable du respect des interdits de fumer » avec « une réorganisation des liens sociaux par la délation ». Et de conclure que « Ce triste principe, bien connu dans l’histoire, permet d’assurer une meilleure cohésion du corps social grâce à l’exacerbation de la stigmatisation des fumeurs