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Les masques sont tombés dans la lutte contre le tabagisme à la clôture des négociations de l’OMS
Samedi 26 octobre 2002
La publicité pour les cigarettes pourrait bientôt être interdite au niveau international. C’est la principale avancée de deux semaines de pourparlers qui se sont clos hier à Genève. Le texte de la première convention internationale traitant des questions de santé est loin d’être rédigé. Mais sur certains points, un consensus a presque pu être dégagé, a assuré dans un langage tout onusien hier le président des négociations, l’ambassadeur brésilien Luiz Felipe de Seixas Correa, en citant la lutte contre le trafic illégal de cigarettes. Nous avons atteint exactement ce que nous nous étions fixé. Nous sommes plus près que nous ne l’avions jamais été d’un accord final, s’est-il félicité. La volonté de s’acheminer vers une interdiction de la publicité a été très forte, a dit Gro Harlem Brutland. La directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est personnellement engagée dans la lutte contre le tabagisme. Son départ de l’agence onusienne et la rédaction, en mai 2003, d ! ’une convention cadre pour la lutte antitabac se succéderont à deux mois près.
La satisfaction affichée est à la mesure de la tension qui a régné durant cette cinquième série de discussions. Les membres des 160 délégations paraissaient soulagés de quitter hier les murs brunâtres du Centre international de conférences. Le traité garde toutes ses chances d’exister. Sa portée et sa capacité à enrayer un phénomène qui engendre 4,9 millions de morts par année feront toutefois l’objet d’un ultime tour de négociations, en février prochain.
Clive Bates, membre d’une ONG anglaise et représentant de NATT, qui regroupe 75 organisations antitabac, a passé quinze jours dans les sous-sols du centre genevois. Plus les négociations avançaient, plus ses pas et ses soupirs se faisaient lourds. Les choses allaient mal pour le lobby antitabac, soufflait-il en début de seconde semaine. La plupart des séances se sont tenues à portes closes, laissant les ONG hors des débats. Contre toute attente, son rictus se transforma en sourire au moment d’annoncer avant-hier que de très bons progrès avaient été accomplis : Les divisions sont très claires et l’on sait aujourd’hui qui est dans quel camp. Face à la minceur des résultats dont cette réunion a accouché, on se contente donc de la volonté qui semble animer une majorité des pays d’arriver à conclure un traité.
Selon les ONG, trois pays se sont systématiquement opposés à ce que des mesures fortes soient prises : les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon. Une interprétation confirmée par le membre d’une délégation officielle. Les trois Etats abritent chacun le siège de grands cigarettiers, le gouvernement japonais étant même l’actionnaire majoritaire de Japan Tobacco International (JTI). Un des moments clés de la réunion est intervenu la semaine dernière lorsqu’un délégué irlandais s’est levé pour prendre la parole au nom de 24 pays européens, se prononçant en faveur de l’interdiction de la publicité. L’Allemagne, abandonnée par ses alliés habituels, ne pouvait plus prétendre suivre d’autres pays dans son refus. Les masques sont tombés, en quelque sorte, et la communauté internationale peut identifier qui, parmi ses membres, est prêt à prendre des mesures qui nuiraient à une industrie qui génère d’importants revenus.
La question que posent les lobbyistes est de savoir s’il faut continuer à négocier avec des pays hostiles au traité ou s’il faut les écarter pour faire avancer le document avec la majorité qui se dégage en faveur de clauses fortes. Le danger, explique un délégué, est de continuer à faire des concessions à des pays comme les Etats-Unis pour qu’ils ne signent finalement pas un texte qui aura été très affaibli.
La Suisse s’est prononcée pour un texte final fort, signé par le plus grand nombre. Conscient que ces deux éléments peuvent être antinomiques, Chung-Yol Lee, sous-directeur de l’OFSP et chef de la délégation suisse, a souligné que les enjeux liés à la réglementation de la publicité et aux questions de prévalence d’un traité consacré à la santé sur les accords commerciaux internationaux sont tellement centraux qui si des pays voulaient les affaiblir, alors la Suisse choisirait de faire voter un traité fort réunissant moins de consensus.
La suite des négociations pourrait se révéler délicate pour la Suisse. La volonté de lutter plus intensivement contre le trafic de cigarettes implique un échange accru d’informations entre les pays. Or la Suisse, Constitution oblige, juge que le volet financier de ces délits, dont un certain nombre passe par la Confédération, est protégé par son secret bancaire. La délégation helvétique à Genève a d’ailleurs obtenu que l’article qui traite de ce trafic stipule que l’échange d’informations se fera dans la limite des constitutions nationales. Aucune objection n’a été soulevée.
Source : Le Temps