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Le Conseil d’Etat Suisse désavoué : on refume dans les restos
Le Tribunal fédéral a annulé le règlement d’interdiction. Il faudra une loi et des mois avant que la cigarette ne disparaisse de nouveau des lieux publics.
Trois mois. La cigarette aura battu en retraite trois petits mois avant de réapparaître. Le Tribunal fédéral (TF) a annulé le Règlement d’exécution sur l’interdiction de fumer. Entré en vigueur le 1er juillet, il se fondait sur l’initiative approuvée par près de 80% de la population le 24 février dernier. Conséquence immédiate : les Genevois peuvent se remettre à fumer dans les lieux publics, cafés-restaurants, bars et autres discothèques.
Comment expliquer ce revirement ? Le TF reproche au gouvernement genevois d’avoir abusé de son pouvoir en interdisant la fumée sur la base d’un seul règlement. Une loi formelle, votée par le Grand Conseil, était indispensable. Sur le fond, le TF ne tranche pas : il ne dit pas si le texte comptait trop d’exceptions, ou pas assez, alors que les recourants posaient également cette question.
« Cette décision ne m’étonne pas, réagit Me Antoine Boesch, qui a obtenu gain de cause. En mars 2007, le TF avait rendu un arrêt disant qu’il faudrait une loi d’application au sens formel. On l’aurait mal vu se dédire aujourd’hui. » Pour respecter la volonté populaire, le Conseil d’Etat a admis hier avoir « pris un risque » : celui d’adopter un règlement et d’attendre, pour préparer la loi, de connaître l’issue des recours et la marge de manœuvre dont disposaient les cantons. « Au début de l’été, on ne savait pas si les cantons pourraient aller plus loin que la loi fédérale », rappelle le conseiller d’Etat Pierre-François Unger.
Les protabac espèrent une loi plus souple Que se passera-t-il maintenant ? Le Conseil d’Etat devra déposer un projet de loi au Grand Conseil et ce dernier devra la voter. Même si l’urgence est demandée, il faudra des mois, sinon des années, avant que la nouvelle interdiction entre en vigueur (lire ci-dessous).
Ce scénario réjouit les partisans de la cigarette, qui comptent bénéficier de ce retournement pour peser sur les travaux législatifs. « Le principe de l’interdiction de fumer est acquis, admet Me Boesch. Mais il ne fait aucun doute que l’un de nos objectifs est de susciter un débat de fond, sans précipitation, en espérant qu’il donne lieu à un régime d’exceptions plus souple. »
C’est également le vœu du président de l’Association des cafetiers, Laurent Terlinchamp. « Le Conseil d’Etat a confondu vitesse et précipitation. J’espère que la loi prévoira des fumoirs, comme cela se fait ailleurs. » S’il dit prendre la santé publique au sérieux, il n’encouragera pas ses membres à maintenir l’interdiction. « Ils savent ce qu’ils ont à faire. Certains ont perdu entre 10 et 30% de chiffre d’affaires et ne vont pas se gêner pour rétablir la fumée. » Un argument difficile à vérifier : d’autres patrons disent avoir gagné des clients.
« Triste pour la démocratie » Recourant débouté, le médecin cancérologue Michel Starobinski regrette, lui, que le TF ait écarté l’urgence pour refuser au Conseil d’Etat le droit d’édicter un règlement. « Si on trouvait de la mélamine dans le lait donné aux nourrissons à Genève et qu’un seul en mourait, on reconnaîtrait l’urgence. Là, des gens meurent. Mais on a l’habitude et il y a de l’argent à faire. Alors on s’en fiche. 80% des Genevois ont demandé d’être protégés de la fumée passive. C’est un jour assez triste pour la démocratie », conclut-il.