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Questions-réponses
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Fumeur non fumeur même droit - 18/07/2002
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CASINO, complément d’information - 16/07/2002
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Dans un local fermé - 12/07/2002
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Et les boites de nuit ? - 11/07/2002
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La loi EVIN et les associations - 10/07/2002
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CASINO - 07/07/2002
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Action en justice contre l’Etat - 04/07/2002
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SNCF : double compartimentation fumeurs/non-fumeurs - 29/06/2002
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File d’attente exterieure - 26/06/2002
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Quai de gare et tabagisme - 20/06/2002
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Enceinte et exercant en milieu enfumé
Bonjour,
je suis enceinte et les locaux dans lesquels je travaille sont perpétuellement enfumés, essentiellement par la direction, qui rejette systématiquement la moindre velléité de tout salarié pour se protéger. Ayant lu attentivement les informations dont vous nous faites bénéficier sur votre site, je me permets de vous poser trois questions pour lesquelles je n’ai pas trouvé les précisions, et qui sont essentielles étant donné que je dois agir urgemment (l’hiver approchant, tous les salariés fumeurs vont se remettre à fumer à l’intérieur, en plus de la direction) :
- Comment prouver de manière scientifique cet important tabagisme ambiant, sachant qu’un témoignage d’un autre salarié est exclu... ? Comment établir seule des preuves irréfutables ?
- L’exercice du droit de retrait oblige l’employeur à continuer à rémunérer le salarié. Mais je sais pertinemment que mon employeur au mieux arrêtera de me payer, au pire me licenciera pour abandon de poste. Y a t il un moyen de l’obliger à continuer à me rémunérer, car je ne peux attendre un jugement de prud’hommes sans percevoir de revenus, d’autant plus dans ma situation de grossesse ? Et dans l’absolu, comment se prémunir d un licenciement, qui est le sort auquel je suis promise, dès que je ne serai plus protégée par le statut de maternité ? Dès que j’agirai, mon employeur se braquera et confiera immédiatement mon cas à son cabinet d’avocats chevronnés (alors que je n’ai pas les moyens de payer un avocat, n’ai pas droit à l’aide juridictionnelle, et que dans l’absolu je ne veux pas perdre mon emploi) ?
- En imaginant que le tabagisme cesse dans mon entreprise - même si cela est fort peu probable , je resterai exposée à un très important tabagisme secondaire (locaux très vieux et presque insalubres, jamais aérés et accusant au moins 30 ans de tabagisme intensif). Serai-je contrainte de retourner travailler dans cet environnement ? Comment prouver le tabagisme secondaire ?
En vous remerciant pour votre attention et en m’excusant pour la longueur de mes questions, étant donné la complexité, l’urgence de ma situation et les questions de santé mais aussi de survie financière qui sont en jeux...
Bien cordialement,
Amélie.
La nocivité du tabagisme passif est scientifiquement prouvée et l’employeur est tenu par la loi de veiller à la protection de la santé de ses collaborateurs et collaboratrices. L’OMS estime qu’environ 600.00 personnes décèdent chaque année du tabagisme passif.
Pour prouver de manière concrète la présence d’un tabagisme ambiant dans votre entreprise, vous pouvez en effet, réunir personnellement des preuves que sont par exemple, toutes les formes possibles d’échanges écrits entre vous et votre ou vos responsables (courriels, lettres, mémos ou PV) datés et, si possible avec accusé de réception. Ces documents constitueront votre dossier d’action en justice, soit plainte auprès du Conseil des prud’hommes ou du Procureur de la république.
En situation de conflit dans le cadre d’un tabagisme en entreprise, envisager une position de droit de retrait demande de prendre certaines précautions avant toute action. La logique du droit de retrait est binaire. Si le droit de retrait est exercé en situation reconnue comme non légitime, retenue de salaire, voir licenciement sont les risques auxquels s’expose le salarié. Au contraire, exercé de manière légitime, le salarié bénéficiera de la protection la plus étendue.
L’obligation d’alerter est préalable à l’exercice du droit de retrait. Le salarié exposé à une situation de danger doit prévenir son supérieur hiérarchique direct, personne sous la subordination de laquelle il se trouve pour l’exécution de son travail et disposant de l’autorité nécessaire pour prendre la décision adaptée pour remédier à la situation.
Le code de travail ne précise pas les modalités selon lesquelles le salarié doit procéder mais la jurisprudence a jugé que les dispositions « relatives au droit de retrait » ne l’obligent pas à le faire par écrit "Cass.soc.28 mai 2008 - n° 07-15744(P). Si une procédure écrite du danger est prévue, elle ne peut être qu’à titre facultatif. Conseil d’état 11 juillet 1990 n° 85416(P). Il a été également jugé que l’exercice par un salarié de son droit d’alerte ou de retrait n’est pas subordonné à la saisine du CHSCT afin que ce dernier mette en œuvre le droit d’alerte qu’il tient des articles (L.4131-2 et suivants du code du travail (Cass. soc. 10 mai 2001 N°00-43437).
Toute action de droit de retrait doit rechercher le motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé". Difficile de donner une définition précise du motif raisonnable. En cas de litige, c’est le juge qui tranchera en fonction de paramètres dont il tiendra compte pour reconnaitre ou pas le bien fondé du droit de retrait. (État physique du salarié ou psychique). Cela signifie que la réalité du danger n’a pas à être prouvée par le salarié. Il suffit qu’il y ait un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe.
Les préconisations du médecin de travail ou les réserves qui auraient été émises de nature à justifier l’exercice du droit de retrait, restent un appui pour tout salarié ayant pris la décision d’utiliser son droit de retrait. Quant au bénéfice du motif raisonnable, il est laissé à l’appréciation des juges.
En effet, en cas de retrait justifié « Aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre du salarié... (Article L4131-3 du code du travail.. Le licenciement d’un salarié ayant légitiment exercé son droit de retrait n’est pas seulement sans cause réelle et sérieuse. Il est nul. » Attendu d’une part qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié s’étant retiré d’une situation de travail dont il avait un motif légitime de penser qu’elle présentait un danger grave ou imminent pour lui et que d’autre part l’employeur, tenu par son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de sécurité au travail, doit en assurer l’effectivité ; qu’il s’ensuit est nul le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger. Cass.soc 28 janvier 2009 N°07-44556 (P). Cette décision de la Cour de cassation est une décision qui a toute son importance car, elle sécurise le salarié dans l’exercice de son droit de retrait. A partir du moment où le retrait est exercé de manière légitime, le risque de perdre son emploi est juridiquement annihilé. La nullité du licenciement protège le salarié d’une éviction injustifiée de l’entreprise.
La Cour de cassation, outre les dispositions du droit de retrait motive également sa décision par l’obligation de résultat incombant à l’employeur. Seule la nullité du licenciement permet une protection réelle du salarié et permet d’effectuer « l’effectivité » de l’obligation de sécurité de résultat.
En conclusion, la mise en œuvre du droit de retrait n’est pas sans risque pour le salarié. La marge d’appréciation importante, le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond pour reprendre les termes utilisés par la Cour de cassation, font du droit de retrait un exercice presqu’aussi aléatoire que le jeu « à pile ou face ». Il s’agit d’apprécier au cas par cas en fonction de la situation donnée.
C’est la raison pour laquelle, les magistrats de la Cour de cassation s’effacent derrière l’appréciation des juges du fond (Conseil de Prud’hommes et Cour d’appel). C’est aussi ce qui explique certaines décisions de la Cour de cassation sur l’exercice du droit de retrait soient diffusées sur Légifrance.
Le salarié doit bien se protéger lors de la mise en place du droit de retrait. Sauf cas d’urgence, nous conseillons de se rapprocher des représentants du personneLl concernés par la question : délégués du personnel et élus du CHSCT.
L’exercice du droit de retrait ne peut être sécurisé qu’en s’appuyant sur des institutions compétentes, représentants du personnel, ou médecins du travail. Au-delà de cet appui, il faut bien différencier les situations d’urgence et les questions structurelles (danger immédiat ou aménagement de poste).
Pour rappel, la protection spécifique contre le licenciement donnée dans le cadre de la maternité protège le salarié 4 semaines après l’expiration de son congé maternité. (En effet, le code du travail autorise le licenciement dans des cas bien limités. (faute grave non liée à l’état de grossesse et maintien impossible du contrat de travail pour un motif lui aussi étranger à la grossesse). Cette protection des 4 semaines est reportée dans le cas de prises de congés juste après le congé de maternité. (Cass Chambre sociale 8 juillet 2015 n°14-15.979) Quant votre dernière question, en cas d’abandon de poste, (cela sous entend, sans autorisation de votre employeur), vous serez considérez comme manquant à vos obligations contractuelles.
Aussi, la Cour de cassation dans son arrêt du 3 juin 2015,n° 14-11324 , stipule qu’en cas de manquement de l’employeur à son obligation de résultat dans le cadre d’une exposition au tabagisme passif, laisse au salarié la possibilité de soit :
- saisir la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à des dommages et intérêts dont le montant sera déterminé par les juges en fonction du préjudice subi ;
- de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur (Cass. Soc., 29 juin 2005, n°03-44412).
En effet, pour les juges, le tabagisme passif justifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.. Elle produit alors, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié pourra percevoir, outre l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts d’un montant au moins équivalent à 6 mois de salaire. (Cass. soc. 3 juin 2015, n° 14-11324 D)
Enfin, l’Organisation mondiale de la santé dans l’article 8 de la Convention cadre de l’OMS pour la Lutte antitabac, a donnée une définition précise de « la fumée secondaire » ou appelée aussi, « fumée environnementale ou encore « fumée des autres » » comme étant de « la fumée produite par la combustion d’une cigarette ou d’un autre produit du tabac à laquelle s’ajoute généralement la fumée exhalée par le fumeur ».
La protection des salariés contre le tabagisme passif en entreprise ne pourra s’avérer résolue que par une application ferme des aspects législatifs et règlementaires du Code de santé publique en matière de lutte contre le tabagisme (Article L. 3511-7 et suivants).