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L’asthme, un mal de civilisation ?
Comment peut-on encore nier en 2002 la responsabilité du tabagisme passif comme facteur de risque de la maladie asthmatique comme cela a été fait de manière catégorique dans l’article de la Recherche du mois de novembre 2002 ?
Parce qu’il suffit de consulter les articles sur le sujet, pour trouver (en libre d’accès sur Internet) des centaines d’articles sur les relations entre tabagisme passif et asthme (1). Déjà de manière indirecte, il a été démontré que le tabagisme passif augmente le risque d’allergie chez les enfants de parents fumeurs. Isabella Annesi-Maesano, épidémiologiste respiratoire à l’unité INSERM U472, écrit en 2001 que parmi les facteurs de risque pouvant expliquer l’augmentation de la prévalence et de l’incidence des allergies, le tabagisme passif in utero est le facteur de risque dont les preuves épidémiologiques sont les plus abondantes (2). Or, l’on sait que l’existence d’un terrain d’atopie ou un état allergique augmente le risque de survenue d’un asthme (la majorité des asthmes sont de nature allergique). Et la prévalence de l’allergie continue à augmenter dans les pays industrialisés et maintenant dans les pays en développement où le tabagisme augmente de manière importante.
On a démontré que le tabagisme passif in utero (mais aussi avant la grossesse) est un facteur de prématurité et de retard de croissance qui constituent des facteurs de risques d’affections respiratoires comme des infections virales et bactériennes à répétition qui sont connues pour être des facteurs de risques de survenue d’asthme chez l’enfant.
Enfin de nombreuses études scientifiques ont montré que le tabagisme passif augmentait directement le risque d’asthme (3-9). Par exemple une étude sur plus de 5000 enfants a montré que les enfants exposés au tabagisme passif in utero présentaient une diminution de leur fonction respiratoire (3).
De plus il est clairement établi que l’ensemble de ces facteurs de risques directs et indirects sont augmentés avec la poursuite du tabagisme passif après la naissance. Le tabagisme passif après la naissance augmente le risque d’asthme au cours de l’enfance et sa sévérité (10). Alors comment expliquer que certains épidémiologistes puissent malgré ses données conclure définitivement qu’il n’y a pas de lien entre tabagisme passif et la prévalence de l’asthme. Cette négation de l’ensemble d’études scientifiques est très inquiétante.
Ne risque-t-on de se retrouver dans une situation similaire au scandale du sang contaminé où nombreux scientifiques et médecins prétendaient ne pas savoir ? Ainsi que dans le scandale du mésothéliome dans lequel des experts français qui ont étudiés le mésothéliome ont fait peu pour alerter les autorités et le public. D’autant que la femme fumant de plus en plus, on va assister à une explosion de maladies infantiles y compris d’asthme. C’est pourquoi, il serait important que les journalistes scientifiques ne se contente de ce que leur disent quelques scientifiques en allant lire les articles sur le sujet pour se faire une meilleure idée. Je rappelle que ce sont des journalistes et non pas des médecins qui ont dénoncé le scandale du sang contaminé et du mésothéliome et par suite changer le cours des choses.
C’est encore L’INSERM qui a récemment montré une augmentation des grossesses à haut risque et de la pathologie infantile (11). Et de conclure qu’il n’avait pas à l’heure actuelle d’explication sur cette augmentation. Alors que cela fait des dizaines d’années que l’on annonce cette tendance avec l’accroissement du tabagisme actif féminin. Qu’une multitude d’articles démontrent les liens en les maladies infantiles et le tabagisme passif. Il semble y avoir actuellement une minimisation systématique voire une négation des résultats obtenus dans des études scientifiques concernant le tabagisme ou la consommation de cannabis.
Encore récemment des études de l’INSERM ou plutôt leurs comptes-rendus officiels minimisaient la toxicité du cannabis alors que tous les biochimistes savent que la toxicité vient de l’acte de fumer et non du produit fumé (les goudrons toxiques ne se forment qu’à la combustion de la cigarette). D’ailleurs, fumer du cannabis produit beaucoup de goudrons cancérogènes ! De plus, maintenant on réalise que de nombreux accidents de voiture, de crimes et de maladies mentales surviennent sous l’emprise du cannabis et conforte la diversité des dangers de sa consommation (12-14).
Beaucoup d’études épidémiologiques sont biaisées parce que l’on oublie simplement de poser les questions sur le tabagisme ou alors elles se limitent à des questions du genre « fumez-vous ? ». Le tabagisme antérieur n’est jamais évalué et encore moins le tabagisme passif des parents, des collègues du travail ou des conjoints. Ces études incomplètes minimisant les conséquences du tabagisme actif ou passif aboutissent à l’absence de prévention dans la population française.
A la décharge des épidémiologistes, l’épidémiologie est encore l’un des parents pauvres de la médecine qui est très peu enseignée et les moyens en hommes et en budgets ne sont pas donnés aux acteurs de cette science indispensable à une médecine préventive. Ce peu d’intérêt pour l’épidémiologie est perceptible en pratique médical. Il est flagrant de noter que des médecins hospitaliers en pneumologie oublient de demander si un patient souffrant d’une maladie respiratoire a fumé ou s’il a été victime du tabagisme passif. Tout ceci démontre que la France ne s’est pas encore engagée dans une politique réelle de santé publique. Pourquoi cette désinformation ? Le retard de prise de conscience de la toxicité du tabagisme passif est aussi lié au pourvoir des fabricants de cigarettes de désinformation, de compromission et de corruption. Ainsi, un professeur de santé publique suisse est en procès actuellement pour avoir accepté de grosses sommes d’argent pendant une dizaine d’année afin de minimiser les effets du tabagisme passif !
La valorisation de l’acte de fumer au cinéma ou la télévision de puis 50 ans d’abord puis la banalisation du tabagisme touche une majorité d’individus, fumeurs et non fumeurs, et n’épargnent pas les scientifiques et les médecins qui peuvent ainsi minimiser la réalité de la toxicité du tabagisme.
Dans le livre Omerta 2002, Pierre Meneton, spécialiste des maladies cardio-vasculaires, dénonçait « la dissimulation d’informations, l’enterrement de dossiers embarrassants, la désinvolture à l’égard du public qui n ’épargnent pas la recherche scientifique »…« le plus scandaleux dit-il concerne les problèmes de santé publique (15). Pour expliquer l’inertie des médecins, des pneumologues et la communauté scientifique, il évoque une indifférence chronique et un niveau de culture générale peu élevé dans la communauté biomédicale. » Ceux qui voudrait dénoncer ne reçoivent pas toujours un accueil enthousiaste des médias qui préfèrent faire parler les stars du milieu lesquelles évitent d’aborder trop frontalement les sujets sensibles afin de ne pas risquer de se faire mal voir par la hiérarchie administrative et politique ".
L’OMS dénombre 3500 personnes par an qui meurent du tabagisme passif (20% des cancers du poumon, cancers ORL, mort subite du nourrisson, asthme, accidents vasculaires cérébraux…). Il existe probablement des centaines de milliers qui sont malades du fait du tabagisme passif qui nécessiteraient que l’on réalise des études épidémiologiques bien ciblées. Il est grand temps que l’ensemble des autorités médicales et politiques s’attaquent réellement au fléau du tabagisme actif et passif dont les enfants les premières victimes.
Dr Jean-Jaques Hosselet, Pneumologue, Ancien chef de clinique des Hôpitaux de Paris
1. En utilisant les mots clés (asthme et passive smoking) sur le site pubmed (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/... ), l’on trouve pas moins de 585 articles scientifiques. La majorité démontre une relation causale entre le tabagisme passif avant ou après la naissance et la survenue d’un asthme. 2. I. Annesi-Maesano. Epidémiologie des allergies. Allergologie oct 2001 ; 27 :3-7. 3. Matz L. Larsson, et al. Environmental Tobacco Smoke Exposure During Childhood Is Associated With Increased Prevalence of Asthma in Adults. Chest, June 1, 2002 ; 121(6) : 2084 - 2084. 4. Gilliland FD, Li YF, Peters JM.. Effects of maternal smoking during pregnancy and environmental tobacco smoke on asthma and wheezing in children. Am J Respir Crit Care Med 2001 Feb ;163(2):429-36. 5. Li YF, Gilliland FD, Berhane K, McConnell R, Gauderman WJ, Rappaport EB, Peters JM Effects of in utero and environmental tobacco smoke exposure on lung function in boys and girls with and without asthma.Am J Respir Crit Care Med 2000 Dec ;162(6):2097-104. 6. Gilliland FD, Berhane K, McConnell R, Gauderman WJ, Vora H, Rappaport EB, Avol E, Peters JM. Maternal smoking during pregnancy, environmental tobacco smoke exposure and childhood lung function. Thorax 2000 Apr ;55(4):271-6. 7. Fetal exposure to involuntary maternal smoking and childhood respiratory disease. Barber K, Mussin E, Taylor DK. Ann Allergy Asthma Immunol 1996 May ;76(5):427-30. 8. Janson C, Chinn S, Jarvis D, Zock JP, Toren K, Burney P ; European Community Respiratory Health Survey. Effect of passive smoking on respiratory symptoms, bronchial responsiveness, lung function, and total serum IgE in the European Community Respiratory Health Survey : a cross-sectional study. Lancet 2001 Dec 22-29 ;358(9299):2103-9. 9. Landau LI. Parental smoking : asthma and wheezing illnesses in infants and children. Paediatr Respir Rev 2001 Sep ;2(3):202-6 10. H. van Bever. Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique Volume 40 - Numéro 7. Asthme de l’enfant : évaluation critique des facteurs de pronostic. 11. Les épidémiologistes dénoncent la dégradation de la santé périnatale. Le Monde du 5 août 2002.. 12. George C Patton, Carolyn Coffey, John B Carlin, Louisa Degenhardt, Michael Lynskey, and Wayne Hall Cannabis use and mental health in young people : cohort study.. BMJ 2002 ;325:1183-1184 . 13. Stanley Zammit, Peter Allebeck, Sven Andreasson, Ingvar Lundberg, and Glyn Lewis. Self reported cannabis use as a risk factor for schizophrenia in Swedish conscripts of 1969 : historical cohort study. BMJ 2002 ; 325 : 1199. 14. Louise Arseneault, Mary Cannon, Richie Poulton, Robin Murray, Avshalom Caspi, and Terrie E Moffitt Cannabis use in adolescence and risk for adult psychosis : longitudinal prospective study. BMJ 2002 ; 325 : 1212-1213. 15. Sophie Coignard. Le rapport OMERTA 2002. Edition Albin Michel.