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Femmes : le cancer du poumon tue autant que celui du sein  Imprimer l'actualité

Epidémiologie - Les courbes de mortalité chez les femmes se croisent. Mauvais présage. Il y a déjà quelques années que ça sent le roussi. Aujourd’hui les chiffres viennent de tomber : en Suisse romande, le nombre de femmes décédées du cancer du poumon égale celui de celles décédées du cancer du sein. Ce que les femmes ont gagné pour leur sein, elles sont en train de le dilapider par leur tabagisme. Pire, le tabagisme féminin ayant fortement augmenté durant les années 80, « cette hausse ne fait qu’anticiper une augmentation bien plus importante encore », prévient Jean-François Etter, spécialiste du tabac à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Genève. Une bonne et une mauvaise nouvelle Les chiffres datent de 2001, mais pour des statistiques ayant passé par les arcanes fédéraux, ils sont frais : à Genève 64 femmes sont décédées de chacune des deux maladies. Il y a en fait dans cette annonce une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la bonne : entre 1985 et 2002, le nombre de décès par cancer du sein à Genève a diminué de moitié. Un résultat dû d’une part aux campagnes de prévention et de dépistage et, d’autre part, aux progrès de la médecine. « Le dépistage actif a fait baisser de 30% en dix ans la mortalité pour ce cancer chez les femmes de 55 à 74 ans », précise Christine Bouchardy, responsable du Registre genevois des tumeurs. La mauvaise nouvelle est l’augmentation constante du nombre de décès féminin provoqué par le cancer du poumon. Qui, contrairement à d’autres cancers, est évitable puisqu’il est dans la plupart des cas directement lié au tabagisme. « Les décès que l’on enregistre aujourd’hui reflètent l’augmentation de la consommation de tabac des décennies de l’après Seconde Guerre mondiale, précise Jean-François Etter. Or, sachant que le tabagisme féminin a progressé encore plus rapidement dans les années 80 et 90, nous nous attendons à une hécatombe vers 2015-2020. Le taux de mortalité pourrait décupler. » On estime actuellement à 30% la proportion de fumeuses. Quarante ans de décalage En effet, la plupart des gens commencent à fumer entre 15 et 20 ans, alors que les victimes du cancer du poumon décèdent en moyenne à l’âge de 61 ans. Il y a donc un décalage de quarante ans entre la première clope et les bouquets de chrysanthèmes. Et les deux spécialistes de conclure : « Les fumeurs n’ont absolument pas bénéficié des progrès de la médecine des trente dernières années, puisque leur espérance de vie est de 10 ans plus basse que celle des non-fumeurs. » Les courbes des deux cancers – les deux premières causes de mortalité par cancer chez la femme – risquent donc de s’éloigner encore plus. Préfigurant ce qui nous attend, les Etats-Unis en 1987, le Canada et la Grande-Bretagne en 1999, ont déjà vu les courbes se croiser et s’éloigner avec une supériorité de la mortalité par cancer du poumon. Outre les habitudes de consommation et les campagnes de prévention et de dépistage, les deux cancers ont des pronostics médicaux très différents. Les chances de survie d’un cancer du sein diagnostiqué au stade précoce sont de 95% à 5 ans. Elles sont d’un peu moins de 20% pour le cancer du poumon. Et ce n’est qu’un des maux qui menace la fumeuse... Inégale face à l’homme, la femme est aussi plus sensible aux méfaits du tabac. En plus des problèmes spécifiquement féminins, les dames résistent moins bien aux problèmes respiratoires et circulatoires induits par la fumée du tabac. Reste à savoir si le tabac augmente le risque de cancer du sein ? « Nous avons de fortes suspicions », avance Christine Bouchardy. Dans leur étude, les chercheurs en santé publique ont encore relevé un autre phénomène : le « cancergraben ». Les femmes de Suisse romande meurent moins du cancer du sein que leurs compatriotes alémaniques. Parallèlement, elles fument davantage. « Le premier constat s’explique par le fait que les cantons romands (Genève, Vaud, Valais et Fribourg) sont les seuls cantons qui pratiquent le dépistage de manière systématique », assure le Dr Bouchardy. « Les programmes genevois et vaudois font gagner ainsi 25 vies par an. » Pour expliquer pourquoi les femmes romandes fument davantage que les Alémaniques, les motifs sont moins scientifiques. Peut-être est-ce parce que nous vivons dans des cantons plus urbains ? Ainsi, sur le plan suisse, les courbes des deux cancers sont encore loin de se croiser. En 2002, on comptait 26 décès pour 100 000 femmes à cause du cancer du sein, contre 15 en raison du cancer du poumon. « La situation genevoise et vaudoise constitue probablement un signe avant-coureur de ce qui adviendra ailleurs en Suisse dans quelques années », concluent les deux chercheurs. Les courbes sont de fait déjà en train de se rapprocher : en 1995, au niveau national on enregistrait 1554 décès par cancer du sein pour 600 par cancer du poumon, soit un ratio de 2,6. En 2001, le ratio tombe à 1,8 : 1333 décès par cancer du sein, 724 par cancer du poumon. Au Tessin, le ratio tourne autour de 2. Certains cantons où les villes comptent beaucoup (Bâle-Ville et Zurich notamment) présentent toutefois des tendances similaires à Genève et Vaud.

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