« Taxer light et juste »
Rubrique Rebonds de LIBERATION « Tabac : taxer light et juste » un article de Fabrice Etilé, économiste au laboratoire de recherche sur la consommation. Jugeant « à première vue » intéressante la proposition de loi visant à interdire le tabac dans tous les lieux publics, car elle « permettrait peut être de relancer la lutte antitabac », l’auteur estime qu’en revanche les politiques de taxation du tabac « atteignent la limite de leur efficacité » sachant qu’une hausse de 10% du prix du tabac diminue toutefois de 15% le risque de fumer avant 18 ans et qu’un fumeur confronté à ce type de prix s’arrête de fumer un an et trois mois plus tôt. L’auteur qui observe que quand les prix augmentent les fumeurs qui sont le plus capables d’arrêter le font, alors que les plus dépendants continuent malgré le coût, souligne que ces hausses ont un effet plus important sur les fumeurs aisés qui évoluent dans un environnement favorable à l’adoption de conduits préventives. De ce fait, affirme l’économiste, avec des taxes sur le tabac uniformes, « les pauvres consomment et paient donc plus en proportion de leur revenu que les riches, ce qui pose un problème de justice sociale ». Evoquant par ailleurs la forte hausse de la consommation de cannabis chez les jeunes, il considère que les pouvoirs publics devrait replacer les politiques de lutte contre le tabac « dans un contexte plus large » car quand le paquet de cigarette coûte le même prix que quelques joints il y a un risque que les adolescents substituent le cannabis au tabac. Si l’économiste juge l’interdiction de la consommation de tabac dans les lieux publics « séduisante » puisque aux Etats-Unis elle a diminué de 5% la prévalence du tabagisme sur les lieux de travail, il estime néanmoins qu’une telle mesure appliquée aux lieux de plaisir (restaurants, bar) serait « perçue comme un retour à l’hygiénisme ». Soulignant que l’objectif devrait être « de respecter au mieux la liberté des fumeurs et celle des non fumeurs, tout en veillant à ce que les fumeurs paient le prix réel de leur consommation », il indique que « dans cette optique la délivrance d’une licence tabac pour les lieux publics de loisirs serait une disposition plus pertinente » avec un quota de licences mis aux enchères qui permettrait aux restaurants et bars d’interdire ou non la cigarette en fonction de leur type de clientèle. D’après Fabrice Etilé, les détenteurs de licence seraient contraints de répercuter le coût de la licence sur les prix et en particulier sur celui de l’alcool, sachant que dès lors ce ne serait plus la dépendance au tabac qui serait taxée « mais la sociabilité alcoolo-tabagique qui (serait) contrainte de payer une part plus importante des dépenses sociales qu’elle génère ».