Tabagisme au féminin : vers une parité qui tue 

communiqué de l’alliance contre le tabac

Tabagisme au féminin : vers une parité qui tue

La Journée mondiale sans tabac s’attache cette année à faire la lumière sur l’épidémie de tabagisme chez les femmes : « Tabac et appartenance sexuelle : la question du marketing auprès des femmes ».

A la conquête de la femme : stratégie de l’industrie Les industriels du tabac, qui camouflent depuis des décennies la nature exceptionnellement néfaste de leurs produits derrière une promotion flatteuse et mensongère, ont mis le doigt sur un coeur de cible très prometteur : le public féminin. Si la « fumeuse », souvent qualifiée de femme de mauvaise vie, était particulièrement méprisée avant les années 1920, l’industrie s’est attachée à lever les freins à cette consommation prometteuse.

Un large panel publicitaire, vantant l’innocuité du tabac sur la santé, s’est peu à peu mis en branle : de l’argumentaire scientifique cautionné par le personnel médical, qui visait à rassurer et garantir une santé plus saine : « Après le processus de purification du tabac (…), votre fumée est pure et propre » ; aux messages véhiculant un parfum d’émancipation et de parité entre les sexes… Attirée par certains bénéfices abstraits corrélés à la consommation de cigarette, tels que le pouvoir de séduction, la touche glamour, la sensualité, la cible féminine tombait dans les griffes de la dépendance…

Après avoir bien ferré sa cible, l’industrie se devait de la fidéliser, pour ne plus la lâcher… Le marketing s’est donc attaché à développer une gamme de produits dédiée exclusivement au public féminin : les « parfums délicats », le « goût exclusif », les produits « light », le look stylé de l’emballage analogue à celui d’un flacon de parfum, le nom de la marque évoquant la féminité : « Eve », le format élancé des produits et des cigarettes rappelant le monde de la mode et l’éloge de la minceur…

Préoccupantes statistiques Et le pari de l’industrie « sur cette mine d’or » s’est révélé payant : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a pu constater une augmentation considérable de la dépendance au tabac des jeunes-filles et des femmes, qui représentent 20 % du nombre total de fumeurs (soient 200 millions sur un milliard d’individus), dont 22% dans les pays développés et 9% dans les pays en voie de développement. Autant dire qu’il reste encore de nombreuses consommatrices à appâter…

En France, ce sont 38% des femmes, âgées de 16 à 25 ans, qui sont accros… Le marketing des produits du tabac, attrayant, branché, et teinté de féminité, dissimule une réalité bien cynique : le tabagisme féminin donne le droit de mourir ! A tabagisme égal, les femmes encourent des risques identiques et développent les mêmes pathologies que les hommes.

« Ce n’est pas toi qui fume la cigarette, c’est la cigarette qui te fume » Aux cancers du poumon (11 % des décès par cancers chez la femme en 20096) et autres maladies chroniques respiratoires (BPCO), s’ajoutent les effets sur la vie reproductive : impacts sur la fertilité, fausse-couches, accouchements prématurés, nouveau-nés en sous-poids, mort subite du nourrisson...

L’INstitut de Veille Sanitaire (INVS), lors de la publication du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) du 25 mai 2010, a mis le doigt sur deux tendances de l’épidémie du tabagisme en France :

• La mortalité par cancer du poumon chez les hommes a nettement diminué après 1993, chutant de moitié en dix ans entre 35 et 44 ans, grâce notamment aux campagnes de prévention ;
• La mortalité par cancer du poumon a été multipliée par quatre en 15 ans chez les femmes de la même tranche d’âge.

Le point sur l’épidémie de cancer du poumon dû au tabagisme, déplore : « Chez les femmes, c’est assez catastrophique. On voit les conséquences de la hausse du tabagisme d’il y a dix ou vingt ans. Quand ces femmes-là auront 60 ans, ce sera encore pire. Ça va faire beaucoup de morts, c’est prévisible… ».

Et nous accusons déjà 60 000 décès annuels en France… Quelques recommandations à destination des pouvoirs publics A l’occasion de cette nouvelle Journée sans tabac qui pointe du doigt les dangers sanitaires, économiques et sociaux, d’une augmentation du tabagisme au féminin à outrance, l’Alliance contre le tabac :

• sollicite une mise à niveau de la fiscalité appliquée à l’ensemble des produits du tabac (cigarettes, tabac à rouler, cigares) et une augmentation des taxes dans un objectif de santé publique. Ce levier, indispensable pour faire face au coût sanitaire et économique des méfaits du tabac, a déjà démontré son efficacité sur la consommation des plus jeunes, lors des augmentations massives et répétées de 2003 et 2004.
• souhaite inscrire la réduction des inégalités sociales comme objectif, en instaurant un remboursement à 100 % des interventions et des médicaments nécessaires au sevrage tabagique ;
• demande la mise en place du paquet neutre ou standardisé (suppression des couleurs, des images de marque et des logos de l’emballage), pour réduire le potentiel positif du marketing sur les produits du tabac, et renforcer l’efficacité des avertissements sanitaires textuels et graphiques, notamment auprès des femmes et des plus jeunes.
• Inscrire la femme et les plus jeunes au coeur des programmes de prévention afin d’empêcher de relayer une image rebelle, sensuelle et positive de la consommation de tabac.