Proposition de modification de la loi Evin
Jeudi 27 janvier, une proposition de loi dont les conséquences auraient été désastreuses pour la santé publique a été retirée du vote de l’Assemblée Nationale. Un résultat qui n’aurait pas été possible sans la mobilisation de DNF et de ses adhérents.
L’Association dont le coeur de métier est l’expertise juridique des lois antitabac, a très rapidement pris conscience de l’enjeu de la proposition de loi Mathus. Quelques lignes qui auraient pu consacrer le début du démantèlement de la loi Évin et changer le paysage publicitaire français. La cigarette, au nom de l’exception culturelle, aurait ainsi pu figurer sur tout support se déclarant artistique, une quelconque campagne publicitaire aurait pu, par exemple, intégrer une cigarette pour vanter le glamour de son produit. Une aubaine pour l’industrie surtout que pour dénoncer ces publicités illégales, il aurait fallu prouver le financement par l’industrie, ce qui pour une association est quasiment impossible, car elle ne dispose pas du pouvoir d’investigation.
Cette proposition de loi n’est que la suite logique d’une orchestration menée depuis 2009 avec les polémiques des affiches de l’exposition Tati, des films Coco Chanel et Gainsbourg, vie héroïque. Déclenchées par la régie Metrobus, ces polémiques n’avaient pour unique but que l’affaiblissement de la loi Évin en la présentant comme liberticide.
Seconde supercherie : faire voter cette loi par la commission des affaires culturelles. Une telle proposition n’aurait jamais pu être acceptée par la commission des affaires sociales qui vote les textes relatifs à la santé publique. Le texte paraît anodin et rares sont les députés qui ont pu voir la griffe de l’industrie du tabac. En Australie, l’industrie a, exactement au même moment, mis en place la même stratégie pour pouvoir communiquer de nouveau et affaiblir la législation en vigueur.
Devant l’extrême rapidité des démarches du député Mathus pour faire voter sa loi, DNF a dû prendre contact avec tous les députés de cette commission, persuadée qu’ils n’avaient pas conscience de la gravité du texte qu’ils allaient valider. Claude Evin, informé de ce projet par DNF et très en colère, s’est joint à notre mobilisation. .
L’Alliance contre le tabac a ensuite pris le relai en organisant une conférence de presse dénonçant la machination de l’industrie. Claude Evin y a fait une remarquable intervention. Vous avez massivement répondu à notre demande en envoyant des courriels à vos députés. Cette dernière action peut avoir été déterminante pour obtenir le retrait de la proposition de loi.
Nous avons bien conscience que certains de nos adhérents puissent éprouver des difficultés à croire que la campagne qui a mené à cette proposition de loi ait été aussi diaboliquement préparée que nous le prétendons. Voici donc deux sujets de réflexion pour vous permettre de mieux mesurer cette réalité :
- Proche des milieux politiques et de la presse, et après avoir servi avec zèle la SEITA puis ALTADIS pendant 16 ans, une collaboratrice est recrutée, en mai 2008, pour diriger la communication de la RATP. Onze mois plus tard, le service de communication de la RATP refuse, contre l’avis de l’ARPP (gendarme de la publicité), l’affiche de l’exposition TATI au motif que la loi Évin l’interdirait et que les associations anti-tabac risqueraient fort de lui faire un procès. Elle réitère l’opération avec l’affiche du film « Coco avant Chanel ». Comble du ridicule, la pipe de Mr Hulot, pour l’affichage RATP uniquement, est très partiellement cachée par un moulin à vent jaune dont le symbole, empreint d’un souvenir nauséabond, échappera à beaucoup, mais pas à leur subconscient. Or, après 18 ans de loi Évin, jamais aucune décision de ce genre n’a été prise, ni par les associations, ni par la justice. Voilà sur quoi se fonde Monsieur Mathus pour tenter de modifier en profondeur les effets de la loi Évin sur la publicité en faveur du tabac.
- Didier Mathus dépose, le 18 novembre 2010, une proposition de loi signée par 205 députés. Il part en guerre contre les supposées dérives de la loi Évin et la prétendue interprétation excessive qui en serait faite par les associations. 1er décembre : DNF écrit à Didier Mathus, puis à son attachée parlementaire ainsi qu’aux 5 députés porteurs du projet. L’association finit par obtenir « aux forceps » un rendez-vous pour le 19 janvier à 16h30. Etrangement, ce même jour, 19 janvier, mais à 9 heures, la presse est convoquée au débat de cette proposition de loi en commission des affaires culturelles. Ni les associations, malgré leurs demandes répétées, ni les acteurs chargés de la politique de santé publique ne seront entendus avant ce débat.
DNF a cependant honoré son rendez-vous pour expliquer au député qu’elle considérait cet acte délibéré comme un déni de démocratie. Il nous a, en effet, été confirmé que tous les autres intéressés, et notamment Metrobus, avaient été entendus.