Lutte contre le tabagisme, l’exemple latino-américain
DNF a participé au 4ème Congrès Tabac et Santé latino-américain et caribéen qui s’est tenu à San José, capitale du Costa Rica, les 26 et 27 mars dernier. Notre association était la seule organisation européenne représentée à cet événement international rassemblant plus de 400 participants (tabacologues, scientifiques, juristes, dirigeants associatifs, décideurs publics) venus de 20 pays. Le programme était particulièrement dense, puisqu’il abordait tous les aspects du contrôle du tabac : données épidémiologiques, prévention, contrebande, espaces sans tabac, actions juridiques, responsabilités de l’industrie du tabac, cigarettes électroniques...
Au cours de ce Congrès, le projet de DNF « Grossesse sans tabac », financé par la DGS, a été sélectionné par les organisateurs pour faire partie des 100 études exposées sous forme d’affiches. Notre travail, tant pour sa méthodologie que pour ses résultats, a été très apprécié par les participants. Outre la possibilité ainsi donnée de faire connaître notre existence et notre action à l’international, la présence de sa directrice à ce Congrès a permis à DNF de prendre connaissance des fructueuses expériences conduites en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Dans cette aire géographique, les dispositions de la Convention-Cadre de Lutte Anti Tabac (CCLAT) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont été prises au sérieux. S’appuyant sur cette première convention internationale dans le domaine de la santé publique, des actions volontaristes ont conduit à faire reconnaître la protection contre le tabagisme comme un élément central du droit à la santé, défini comme un droit humain fondamental. Ce volontarisme, il est le fait des législateurs eux-mêmes dans certains pays très engagés dans la lutte contre le tabagisme : Uruguay, Chili et Panama par exemple. Dans les États à la volonté plus défaillante (Colombie, Argentine, Equateur notamment), c’est la société civile qui a agi, utilisant la possibilité offerte par le droit local d’exercer un recours citoyen direct contre les violations des droits fondamentaux devant les plus hautes juridictions. Bien étayés juridiquement, formalisés dans des stratégies contentieuses très élaborés, ces recours ont donné lieu à des jurisprudences audacieuses et protectrices.
La reconnaissance du caractère fondamental en droit de la protection contre le tabagisme, qu’elle soit le fait des Parlements ou des Juges, a obligé ou conforté les pouvoirs publics latino-américains et caribéens à élaborer de véritables politiques publiques de contrôle du tabac. Pour prendre un exemple emblématique, salué par tous les participants, le Panama a adopté une batterie de mesures extrêmement significatives : interdiction complète de la publicité, y compris dans les lieux de vente, ainsi que de la promotion et du parrainage ; interdiction de fumer dans tous les lieux publics, sans exception ; interdiction de la vente aux mineurs et vente du tabac sous le comptoir ; avertissements sanitaires ; affectation des recettes fiscales aux actions de prévention. Les résultats sont, naturellement, au rendez-vous : la prévalence tabagique chez les 18-70 ans était à 19% en 2003 au Panama, contre 9,3% en 2013.
En outre, ce succès panaméen n’est pas une exception dans la région. L’Uruguay a, ainsi, réussi à faire baisser la prévalence tant chez les adultes (32% en 2005 versus 23% en 2011) que chez les jeunes (30% en 2005, 13% en 2011). Quant au Costa Rica, pays hôte, il affiche une baisse de 6 points de la prévalence tabagique en 10 ans. Ces succès donnent des ailes aux acteurs locaux de la lutte contre le tabagisme qui ont retenu, lors des conclusions du Congrès, l’hypothèse de la disparition totale du tabac à l’horizon de quelques décennies. Enfin, les organisateurs ont tenu à souligner combien ces réussites et ces espérances doivent à la mobilisation et au travail inlassable de toutes ces associations, ONG et fondations qui oeuvrent, sans beaucoup de moyens, pour défendre la santé publique contre une industrie du tabac richissime et sans scrupule. Ils ont, également, mis en garde contre les risques de division de la mouvance anti-tabac suscités par les nouvelles formes de consommation du tabac ou de la nicotine. Encore une leçon à méditer dans notre vieille Europe !
Bonne lecture,