Lettre bimensuelle du 15 décembre 2012
Tabac : la Cour des comptes rétablit la vérité
L’association DNF souscrit à l’ensemble des conclusions et recommandations communiquées le 13 décembre 2012 par le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, dans le cadre de la présentation du « rapport d’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme » et commandé par l’Assemblée nationale. Le rapport de la Cour des comptes rétablit la vérité et notamment :
Le tabac tue prématurément un de ses consommateurs réguliers sur deux mais les Français* refusent cette évidence car :
- L’État fait le contraire de ce qu’il proclame.
- Les fabricants, les buralistes, préposés de l’État, et tous ceux qui bénéficient, ou croient bénéficier, de cette tolérance coupable disposent de ressources financières, politiques et médiatiques sans aucune commune mesure avec les maigres ressources des bénévoles qui luttent contre le fléau du tabagisme.
Il ne peut échapper à personne qu’en confiant la fiscalité du tabac exclusivement au ministère du Budget et l’application de la règlementation anti-tabac au ministère de l’Intérieur et à celui des Outre-mer, on dépouille celui de la Santé de ses prérogatives naturelles en matière de lutte anti-tabac. C’est ainsi que l’on peut voir mis à mal des objectifs ambitieux pourtant sous-tendus par un traité international, une loi et une règlementation adaptés.
- La politique de taxation anti-tabac devient une ressource pérenne du budget de l’État partiellement affectée à la Sécurité sociale qui, dans une réflexion schizophrène, ne peut pas envisager sereinement de réduire la consommation de tabac dont elle tire une partie de son financement.
- Le ministre de l’Intérieur, poussé par les élus locaux, envisage difficilement de demander à ses agents de contrôler la bonne application d’une loi de santé publique, objectif qui lui parait dérisoire au regard des missions propres à sa fonction et qui, de plus, risque de mécontenter de nombreux groupes de pression comme les cafetiers et les buralistes.
- Le ministre des Outre-mer préfère reporter pour la 3ème fois la date de promulgation d’un décret qui risque de mécontenter certains élus territoriaux, préférant ainsi laisser se développer un commerce de vendeurs ambulants qui proposent à la sortie des écoles de l’alcool, des cigarettes vendues à l’unité et des boissons surdosées en sucre.
Contrairement au travail effectué par les députés Jean-Marie Binetruy, Jean-Louis Dumont et Thierry Lazaro concernant « les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac » et enregistré à l’Assemblée nationale le 5 octobre 2011, la Cour des comptes n’a pas omis de consulter ceux dont le souci quotidien est de protéger la société des dangers et des nuisances évitables et liées à la consommation de tabac. Elle a ainsi rétabli les évidences que tentaient d’atténuer le rapport parlementaire et recommandé :
- De fermer la porte à toute publicité en faveur du tabac.
- De considérer que les buralistes bénéficiaient d’aides invraisemblables (300 millions par an) pour compenser une perte de revenus qui, en réalité, avaient augmenté de 70% depuis 2002 pendant que l’inflation n’augmentait que de 20% et pendant que l’ensemble des actions de prévention des associations devait se contenter de quelques centaines de milliers d’euros.
- De mettre en place des évaluations régulières, notamment pour les coûts sanitaires et sociaux du tabagisme
- De considérer que les traitements de sevrage devaient être pris en charge par la Sécurité sociale car le tabagisme est à l’origine de trois affections de longue durée sur quatre.
- De veiller à l’harmonisation de la taxation au niveau européen et d’obtenir que le tabac puisse faire exception à la règle de liberté de circulation des marchandises entre États-membres tant que cette harmonisation n’était pas atteinte.
- De regrouper dans une instance interministérielle sous l’autorité du ministre de la Santé toutes les compétences gouvernementales visant au contrôle du tabac.
- De s’inspirer de l’exemple britannique pour organiser la coordination des actions destinées à faire régresser la consommation de tabac en France.
Pour toutes ces raisons, l’association DNF appelle urgemment le président de la République François Hollande à tirer les conclusions qui s’imposent : à l’image de la Sécurité routière il y a quelques années, il faut faire sans attendre de la lutte contre le tabac une grande cause nationale.
Retrouvez le rapport de la Cour des comptes ici
* Sondage IFOP pour la Cour des comptes