Législation applicable aux établissements commercialisant le Narguilé  Imprimer l'article

Plusieurs dispositions imposent aux responsables des établissements commercialisant le tabac à narguilé ou shisha des obligations dont le non respect peut induire des sanctions administratives, civiles et pénales :

1.Régime juridique pour la vente de tabac

La vente de tabac en France est monopole de l’état (Article 568 du CGI ). Le tabac ne peut être vendu au détail que par des commerçants ayant reçu une autorisation de l’administration. Le débitant de tabac devient alors, un préposé de l’administration qui l’autorisera à vendre au détail du tabac. De manière exceptionnelle, l’administration peut également accorder cette autorisation à certains types de commerces, mais sous certaines conditions. C’est cette autorisation exceptionnelle qui peut être éventuellement accordée aux établissements proposant du tabac à narguilé.

La revente de tabac étant régie par le Code général des Impôts, pour obtenir le statut d’acheteur-revendeur de tabac, un débit de boissons à consommer sur place doit préalablement être titulaire d’une licence de 3ème ou de 4ème catégorie ou d’une licence restaurant proprement dite conformément au Code de la santé publique. Le décret n° 2007-906 du 15 mai 2007, modifié par le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés précise :

Article 45 Ne peuvent vendre des tabacs manufacturés en qualité de revendeurs, dans les conditions définies au présent titre, que les exploitants des établissements suivants :

  1. Débit de boissons à consommer sur place, titulaire d’une licence de troisième ou quatrième catégorie effectivement exploitée, ou restaurant titulaire d’une « licence restaurant proprement dite », conformément aux articles L. 3331-1 et suivants du code de la santé publique ;
  2. Station-service implantée sur le réseau autoroutier, les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier, les voies express ou les voies rapides en milieu urbain telles que définies par le code de la voirie routière ou, pour les départements de Corse, toute station-service ;
  3. Établissement militaire, pénitentiaire ou accueillant une population dont la liberté d’aller et venir est restreinte, à l’exclusion des établissements de santé habilités à recevoir des personnes hospitalisées sous contrainte.

Or, la plupart des établissements qui proposent le tabac à shisha n’affichent qu’une licence de 1ère ou 2ème catégorie . Celle-ci leur permet de vendre des boissons non alcoolisées mais qui ne les autorise pas à revendre du tabac ou des produits du tabac.

En outre, la licence de débit de boisson n’est accordée qu’à des sociétés à caractère commercial. Ainsi, une association ne peut bénéficier d’une licence débit de boisson qu’à titre temporaire et pour des manifestations spécifiques.

Les dispositions suivantes du décret sont encore plus contraignantes quant aux obligations des revendeurs de tabac :

Article 46 : Les revendeurs ne sont autorisés à vendre des tabacs qu’aux seuls clients et usagers de leur établissement, au titre d’un service complémentaire à l’activité principale de cet établissement, ainsi qu’à leur personnel. Les revendeurs sont tenus de proposer à la clientèle, aux usagers et au personnel de leur établissement des tabacs manufacturés d’au moins trois fabricants de leur choix. Ils ne peuvent pas passer un contrat d’exclusivité avec un fabricant ou un fournisseur de tabacs manufacturés. Les revendeurs ne peuvent exposer dans leur établissement les tabacs à la vue de la clientèle, des usagers et du personnel. Ils ne peuvent modifier la composition ou la présentation des tabacs manufacturés qu’ils revendent.

Article 47 : I. ― Le revendeur s’approvisionne en tabacs manufacturés exclusivement auprès du débit de tabac ordinaire permanent le plus proche de son établissement, ci-après dénommé « débit de rattachement ». Par dérogation, il peut s’approvisionner auprès de tout autre débit ordinaire permanent du voisinage dans les deux cas suivants : 1° Renonciation expresse du gérant du débit le plus proche ; 2° (…)

Article 48 : Préalablement au début de l’activité de revente, le représentant légal de l’établissement transmet au directeur régional des douanes et droits indirects de la circonscription dans laquelle l’établissement est situé une déclaration par laquelle il s’engage à respecter l’ensemble de ses obligations ainsi que l’attestation par laquelle le gérant du débit de rattachement accepte de l’approvisionner.

Article 49 : Le revendeur ou son représentant, mandaté à cet effet, transporte les tabacs, sous sa seule responsabilité, entre le débit de rattachement et son établissement, sous couvert d’un carnet de revente délivré par le débit de rattachement.

L’achat, l’établissement et la délivrance des carnets de revente incombent exclusivement au débit de rattachement. Le carnet de revente est établi au nom du revendeur. Il est personnel et incessible. Le carnet de revente est présenté par le revendeur à toute réquisition des agents des douanes et droits indirects. Il doit être conservé par le revendeur pendant six ans à compter de la date de la dernière opération qui y est inscrite conformément aux dispositions de l’article L. 102 B du livre des procédures fiscales.

Un arrêté du ministre chargé du budget fixe le contenu, la présentation et les modalités d’utilisation du carnet de revente.

• Article 50 : En cas de méconnaissance par le revendeur des dispositions des articles 45 à 49, le directeur régional des douanes et droits indirects territorialement compétent peut lui interdire, pour une durée maximale de trois ans, toute activité de revente de tabac.

2. Interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif :

En France, il est interdit de fumer dans tous les lieux à usage collectif, qui constituent un lieu de travail ou un lieu d’accueil au public (article L 3511-7 du code de la santé publique, réglementée dans les articles R 3511-1 et suivants. du même code).

Des nombreuses décisions en justice sont venues rappeler que cette interdiction de fumer concerne aussi les établissements de type « associatif » ou « club », car l’interdiction ne vise pas le type de société qui exploite les lieux (une SARL, ou un club, ou une Société anonyme…), mais le bâtiment en lui-même , le lieu où l’activité se déroule.

Il est toutefois possible de fumer la shisha à l’intérieur de l’établissement, si celui-ci est équipé d’un fumoir, respectant les dispositions du Code de Santé Publique, et notamment l’article R 3511-2 et R 3511-3.

Le fumoir ne peut être qu’une partie de l’établissement : les cafés, bars ou salons à shisha dédiés à 100% à la consommation de tabac sont dans l’illégalité.

Les emplacements réservés aux fumeurs sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n’est délivrée. Aucune tâche d’entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins une heure.

Ces salles doivent être équipées d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique (renouvellement minimal de dix fois le volume / heure), indépendant du système de ventilation ou de climatisation d’air du bâtiment ; le local doit être maintenu en dépression continue d’au moins cinq pascals par rapport aux pièces communicantes et doit être doté de fermetures automatiques sans possibilité d’ouverture non intentionnelle ; ne doivent pas constituer un lieu de passage et leur superficie doit être au plus égale à 20 % de la superficie totale de l’établissement sans dépasser 35 mètres carrés. Ils doivent comporter une signalétique officielle à l’entrée, rappelant que l’accès est interdit aux mineurs.

Les sanctions prévues pour les infractions à ces articles sont contenues dans les articles R. 3512-1 et R. 3512-2 du Code de la santé publique. Elles sont punissables d’amendes pouvant aller jusqu’à 450€.

3.Interdiction de vente aux mineurs

Cette mode de consommation du tabac attire fréquemment une population très jeune, souvent composée de mineurs. Or, les revendeurs de tabac sont dans l’obligation, dès lors qu’ils sont considérés par l’administration des Douanes comme étant des revendeurs de tabac (tout comme les débitants de tabac), de demander la production d’une pièce d’identité pour vérifier l’âge des consommateurs (article D. 3512-3 du code de la santé publique). En effet l’article L. 3511-2-1 du code de la santé publique prévoit qu’il est interdit de vendre du tabac aux mineurs.

Le non respect de cette disposition est sanctionné par L.3512-1-1 du Code de la santé publique et passible de 150€ d’amende.

De plus, l’article D. 3511-15 du code de la santé publique prévoit qu’une affiche rappelant les dispositions l’interdiction de vente aux mineurs de 18 ans ainsi que l’offre gratuite ou la vente à des prix promotionnels, est placée à la vue du public dans les établissements des débitants de tabac et des titulaires du statut d’acheteur-revendeur et des revendeurs.

4.Interdiction de la publicité en faveur du tabac

L’article L 3511-3 du code de la santé publique précise que la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients du tabac, ainsi que toute distribution gratuite ou vente d’un produit du tabac à un prix de nature promotionnelle contraire aux objectifs de santé publique sont interdites. Au titre de l’article L3511-4 est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur (…) d’un produit ou d’un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 lorsque, par (…) un signe distinctif, elle rappelle le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1. Les établissements proposant du tabac à narguilé ne peuvent donc pas disposer d’enseignes commerciales ou de publicités en vitrine portant des mentions relatives au tabac. Cette publicité constitue un délit et elle est condamnée par les articles L.3512-2 et L.3512-3 du Code de la santé publique. Plusieurs sites Internet pratiquent également cette publicité illicite, citant même, pour l’un d’entre eux, 165 adresses « où l’on peut fumer ».

Les infractions à l’interdiction de la publicité ou de la propagande en faveur du tabac sont punies de 100 000 euros d’amende. En cas de propagande ou de publicité interdite, le maximum de l’amende peut être porté à 50 % du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.

5. Dispositions du Code du travail applicables

Ces établissements emploient du personnel et sont donc assujettis au Code du travail auquel renvoie l’article R. 3511-7 du Code de la santé publique. Les employeurs sont ainsi obligés de respecter les conditions d’aération, d’assainissement et de renouvellement de l’air décrites dans les articles R 232-5 et suivants du Code du travail à l’aide de systèmes d’extraction de la fumée.

L’arrêt numéro 1698 de la Cour de Cassation, en date du 29 juin 2005, confirme en effet que l’employeur est « tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise »

6. Sécurité et risque Incendie

Il faut également prendre en compte les dispositions du Code de la construction et de l’habitation concernant la prévention des risques d’incendie dans les établissements recevant du public (ERP). En effet, au titre de l’article R 123-2 de ce code, sont considérés comme ERP « tous bâtiments, locaux ou enceintes dans lesquels des personnes sont admises soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitations payantes ou non ».

Les établissements où il est possible de consommer du tabac, à narguilé, à n’importe quel titre, sont aussi concernés par cette disposition. Les commissions de sécurité (crées auprès des Maires ou des Préfets) interviennent pour garantir le respect de la réglementation en matière de sécurité et elles peuvent le faire avant que le maire ne délivre l’autorisation d’ouverture, mais aussi lorsque l’établissement est déjà ouvert au public, sous la forme de visites régulières ou inopinées.

Les principaux contrôles concernent les dispositifs permettant de réduire les risques d’incendie, d’éviter la propagation du feu et des fumées, de faciliter l’évacuation du public et l’intervention des secours.

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