La loi Evin menacée de nouveau Imprimer l'article

Depuis la mise en place de l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, la loi Evin ne cesse d’être attaquée. Seule la vigilance des associations antitabac permet d’écarter le danger en s’appuyant sur une forte mobilisation. En 2009 –et encore une fois début 2011-, la polémique sur le tabac dans les œuvres culturelles faisait déjà débat et menaçait la protection, inscrite dans la loi, contre la promotion de ce produit qui tue prématurément la moitié de ses consommateurs. En 2010, un fabricant de tabac tentait d’obtenir un nouveau support de communication en intégrant dans le « Grenelle de l’environnement » un cendrier de poche à son effigie. Au delà des propositions de loi assassines (plus de dix depuis le décret Bertrand), certains parlementaires, souvent sous influence, déposent régulièrement des questions écrites dont l’objectif est de limiter l’action des associations antitabac, et particulièrement de DNF, voire d’en demander la disparition. En outre, trente-trois demandes d’assouplissement de la loi ont été déposées, au prétexte infondé qu’elle nuirait au commerce des buralistes, alors qu’avec l’aide renouvelée de l’État, ils n’ont globalement jamais aussi bien gagné leur vie ; vingt-trois demandes d’aide à la poursuite de la tabaculture ont également été avancés, sans même suggérer l’aide à la diversification, pourtant prévue dans la Convention cadre de lutte contre le tabac. Voilà autant d’initiatives parlementaires pour défendre des intérêts purement mercantiles sans jamais prendre en compte les ravages du tabac tant en termes de santé publique qu’en nuisances pour l’environnement de ceux (80% de la population) qui ne fument pas.

Mais, en cette fin de semestre, c’est une menace pernicieuse et beaucoup plus grave qui a fait sournoisement surface. Une fois de plus, la loi Evin est directement visée par un article passé totalement inaperçu dans un projet de loi concernant l’allègement des procédures juridictionnelles. Actuellement, la loi prévoit une procédure extrêmement simple pour sanctionner les infractions à l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif. En effet, l’amende forfaitaire prévue dans le code de la santé publique, est faite sur forme de timbre amende, comme celui qu’on retrouve sur son pare-brise lorsque l’on a mal garé sa voiture ; avec le dispositif prévu par le projet en question, le même agent devrait demander au procureur de la République l’autorisation d’effectuer avec les contrevenants une transaction amiable, et de réduire le montant de l’amende de 68 euros a 22 euros ou de 135 euros à 45 euros. Quant au délit de publicité interdite, il aurait perdu toute valeur dissuasive en diminuant de deux tiers la valeur de l’amende prevue, et en transformant la sanction pénale en simple transaction amiable, sans possibilité d’être inscrite au casier judiciaire du contrevenant et sans conséquences en cas de récidive.

DNF s’est très vite mobilisée, puis a demandé à l’Alliance contre le tabac d’accompagner sa démarche. En effet, au terme d’une procédure accélérée, le projet de loi devait passer rapidement en commission mixte paritaire. A l’issue d’un important travail de recueil d’information et d’analyse juridique, l’association a tenté de convaincre le gouvernement et les parlementaires de l’importance de retirer l’article. Dans un deuxième temps, au constat de l’intransigeance du gouvernement, DNF a demandé à l’Alliance contre le tabac de peser de tout le poids de sa trentaine d’adhérents. Ainsi, une conférence de presse organisée par l’Alliance contre le tabac et ses associations a permis d’alerter les médias et, par ricochet, les pouvoirs publics sur les enjeux de l’article 22 quater. C’est dans ces conditions que Xavier Bertrand, ministre du travail et de la santé, a déclaré la veille du vote de la commission mixte paritaire, être fermement opposé à tout assouplissement de la Loi. Faute d’accord au sein de la CMP, le projet est revenu à l’Assemblée Nationale, et grâce à un amendement déposé par le gouvernement, l’article 22 quater a été supprimé. Une victoire « aux forceps » pour les associations antitabac, dont la vigilance est de rigueur car les attaques seront encore nombreuses.

Le Ministère de la Santé prend désormais au sérieux les attaques contre la loi Evin. L’Europe, de son coté, prend également le tabagisme très au sérieux, comme en témoigne le discours de John Dalli, commissaire européen chargé de la Santé et de la protection des consommateurs. Le contrôle du tabac est au cœur de toutes les politiques de santé visant à réduire le tabagisme. Ce dernier pense même réglementer l’emballage des paquets de cigarettes à l’ensemble des pays européens. Il rappelle qu’un jeune européen de 15 ans sur 3 fume. Le paquet de cigarette doit ainsi mieux les informer des dangers et surtout devenir beaucoup moins attrayant qu’il ne l’est encore. Le commissaire invite fortement les états membres à renforcer la réglementation concernant la consommation de tabac dans les espaces intérieurs afin que toute la population européenne soit équitablement protégée.

Il est rassurant de constater la volonté politique qui anime les responsables européens afin d’en finir avec ce fléau. DNF constate cependant que les efforts pour en venir à bout seront encore longs et nécessiteront la mobilisation de tous.

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