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La justice américaine demande aux cigarettiers de rembourser les 280 miliards de profits depuis 1953
Le Monde rapporte que le département de la justice demande à l’industrie américaine du tabac de rembourser les 280 milliards de dollars de profits réalisés depuis 1953 pour avoir « sciemment trompé le public sur les risques représentés par la cigarette » et que « selon les documents déposés auprès du tribunal fédéral, les dirigeants des groupes de tabac se sont en effet réunis à New York il y a cinquante et un ans pour rétablir une stratégie de communication visant à créer le doute sur la réalité des dangers de leurs produits ». « Si le gouvernement obtient tout ce qu’il demande, alors il deviendra le propriétaire des entreprises accusées », résume William Ohlemeyer, vice-président d’Altria, la société mère de Philip Morris. Soulignant que « les poursuites ont été engagées en vertu de la loi RICO (pour Racketeer-Influenced and Corrupt Organizations Act), conçue dans les années 1970 pour lutter contre le crime organisé », le quotidien explique que « ce texte considère qu’une activité économique devient criminelle si elle liée à une conspiration illégale » et que « selon les procureurs, les groupes Philip Morris, R.J Reynolds, British American Tobacco (BAT), Brown & Williamson et Lorillard & Liggett ont « préparé et exécuté – et continuent à préparer et exécuter – un vaste complot depuis un demi-siècle pour tromper le public ». D’après le journal, « les poursuites ont été lancées en 1999 par l’administration Clinton », et selon lui « le gouvernement Bush aurait bien voulu les abandonner, mais il ne l’a pas fait, craignant le scandale qu’aurait provoqué l’arrêt d’une procédure ayant produit 122 millions de pages, 645 décisions de justice et coûté 135 millions de dollars au contribuable » relevant que « les adversaires des groupes de tabac craignent cependant que, si George W. Bush est réélu, le gouvernement prenne moins de précautions et accepte une transaction amiable favorable aux industriels ». Selon les experts judiciaires, « le gouvernement n’aura pas la tâche facile » puisque « la loi stipule que l’accusation doit prouver que la conspiration existe toujours et n’appartient pas seulement au passé » et que « les avocats des fabricants de cigarettes soulignent que les paquets portent des mises en garde pour la santé depuis les années 1960 ». Ajoutant qu’ « en 1998, cette industrie a conclu une transaction mettant fin aux poursuites engagées par 46 Etats américains », le quotidien précise que « les fabricants se sont engagés à verser 206 milliards de dollars en vingt-cinq ans, en prélevant 50 cents par paquet ». Le journal qui considère que « le procès s’annonce long et complexe » note que « son issue dépend notamment de plusieurs décisions à venir en appel » puisque « la juge Kessler a estimé, en mai, que si le gouvernement prouve la culpabilité des accusés il a le droit d’exiger le « remboursement » de 30 milliards de dollars de bénéfices, la somme la plus importante jamais demandée devant un tribunal civil américain ». Le quotidien indique par ailleurs que « nombre d’analystes à Wall Street estiment qu’une transaction amiable est l’issue la plus probable après l’élection présidentielle ».
« Les géants du tabac menacés de faillite » titre Le Figaro Economie qui estime que « le calendrier électoral américain pourrait aussi affecter ce méga- procès » puisque « nombre de républicains sont, d’une manière générale, opposés à la persécution des sociétés de tabac » et qu’ « ils arguent que l’accord, passé en 1998 entre l’industrie, d’une part, et, d’autre part, le gouvernement américain et 46 Etats, a suffi à modifier le comportement des cigarettiers ».
Concernant l’audience en appel, le quotidien Les Echos précise que « les 280 milliards demandés représentent, selon l’Etat, les bénéfices réalisés auprès des 30 millions de personnes qui, depuis 1954, ont commencé à fumer régulièrement avant l’âge de vingt et un ans » et que le premier à témoigner après-demain est l’ancien patron de la Food and Drug Administration (FDA), qui racontera « comment l’industrie a empêché la FDA de réglementer les taux de nicotine dans les cigarettes ». Le journal indique par ailleurs que « la plupart des analystes financiers ne croient pas à des pénalités record. Ne serait-ce que parce que les cigarettiers contribuent aux finances de chaque Etat américain par le biais de l’accord de 1998 » considérant néanmoins qu’ « en habitués de la justice, les industriels n’ont pas lésiné sur les moyens : 145 avocats inscrits au rôle du tribunal pour ce procès qui doit durer jusqu’en mars prochain, face aux quatre avocats du ministère de la Justice ».
Sous le titre « Le « méga- procès » du tabac s’ouvre aux Etats-Unis », La Croix estime que l’affaire, qui remonte à 1953, « commence comme un classique hollywoodien du film noir : des hommes en chapeau mou ont rendez-vous dans un grand hôtel de New York, le Plaza, à Manhattan. Des limousines descendent les patrons des plus puissantes firmes de communication, venus discuter d’un projet de grande ampleur, portant sur des millions de dollars ». Et le journal poursuit : « Quand ils ressortent, quelques heures plus tard, l’affaire est conclue : ensemble, ils se sont mis d’accord pour « mener une vaste campagne de relations publiques afin de contrer les preuves de plus en plus manifestes d’un lien entre la consommation de tabac et des maladies graves ».