La Chronique du Dr. Mesny N°5 : La Dépendance tabagique Imprimer l'article

Le tabac diffère des autres drogues par ses faibles effets psycho-actifs contrastant avec une forte accroche, menant rapidement à la dépendance. Il contient de multiples composants dont le plus connu est la nicotine, mais aussi d’autres alcaloïdes très peu étudiés et la fumée de tabac recèle 4000 composés dont on ne connaît pas toujours le rôle.

On connaît les maladies liées à la consommation de cigarettes, on connaît moins bien les effets de ses composés sur la dépendance, dont la nicotine n’est peut-être pas le seul agent.

La nicotine a été classée comme « drogue » par l’OMS : elle stimule la formation et la libération dans le cerveau reptilien, le plus ancien, de monoamines, neuro transmetteurs modulateurs, qui sont la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine.

  • la dopamine est considérée comme le médiateur du plaisir par son action sur le système de récompense, qui fait aussi intervenir le cortex, réalisant un circuit.
  • la noradrénaline régule les émotions, l’attention, l’apprentissage…
  • la sérotonine module l’humeur, l’appétit, …

Les monoamines sont « recaptées » par les terminaisons nerveuses ou dégradées par des enzymes dont les monoamine-oxydases, MAO, ce qui permet la régulation du système dont le rôle physiologique est la survie de l’individu dans l’environnement.

Toutes les drogues activent le système de la récompense. Mais quand un produit qui le met en jeu est consommé de façon importante et répétée, le système ne se régule plus. C’est le cas du tabagisme, le fumeur consomme de plus en plus de cigarettes pour faire remonter son taux de dopamine et retrouver une certaine plasticité du circuit altéré. (Travaux de Changeux)

La nicotine, ou peut-être d’autres composants de la fumée, entraîne aussi la libération d’endorphines, d’hormones cortico surrénales, de l’hormone de croissance, du NO (oxyde nitrique). Enfin, les récepteurs naturels aux cannabinoïdes participent à la neurotransmission du système de récompense.

Il s’y ajoute un support génétique : toute modification des gènes des transporteurs ou récepteurs des monoamines est susceptible de renforcer ou réduire les risques de dépendance et la réussite du sevrage.

Inhibiteurs de la monoamine oxydase.

Le taux de monoamine-oxydases est diminué chez le fumeur. (Fowler, 1996). Et, on a découvert dans la fumée de tabac des substances qui inhibent l’action de ces enzymes, prolongeant et renforçant de fait l’action des monoamines.

On constate souvent un état anxio dépressif chez les fumeurs et les disthymiques consomment plus de cigarettes. Certains considèrent le tabagisme comme un mécanisme de défense contre la dépression. Or, les inhibiteurs des monoamine-oxydase (IMAO) ont été les premiers antidépresseurs développés. Un peu abandonnés, vu leurs effets secondaires, ils ont été remplacés par des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme le Prozac ® et d’autres antidépresseurs, comme le Bupropion (Zyban ®), inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, utilisé en sevrage tabagique.

Villegier et coll. dont Tassin en 2003, expliquent que la diminution du taux des MAO dans le cerveau des fumeurs serait indispensable pour renforcer la sensibilisation à la nicotine et faciliter son effet de récompense. Dans ses derniers travaux, publiés dans le Journal of Neuroscience en Janvier 2009, JP Tassin explique que le système des 3 monoamines se découple au cours de l’intoxication tabagique sous l’effet des inhibiteurs de la MAO, chaque monoamine « roulant » pour son propre compte. Ce qui expliquerait une diminution de l’efficacité des substituts nicotiniques au bout de quelques semaines et les échecs à long terme du traitement de substitution.

Mais d’autres travaux suggèrent aussi le rôle du NO, oxyde nitrique, des récepteurs aux endocannabinoïdes (le rimonabant est un inhibiteur des ces récepteurs) dans la création de la dépendance et il est probable que d’autres hypothèses verront le jour.

Enfin, il ne faut pas oublier que le tabagisme crée une dépendance physique, psychologique et comportementale et que l’ensemble des processus qui mènent à la dépendance est complexe, mettant en jeu un individu un produit et un environnement.

En conclusion :

Tous les travaux font progresser la connaissance des dépendances aux drogues, et on peut regretter que les travaux sur le tabac se soient jusqu’à présent surtout intéressés à la nicotine.

Concernant les échecs du sevrage, ils sont surtout dus, quelle qu’ait été la méthode de sevrage utilisée, au fait qu’arrêter de fumer ne dépend pas seulement d’un médicament, mais surtout d’un travail sur soi pour comprendre les mécanismes psychologiques de sa consommation, mettre en place un changement de vie, des stratégies de défense contre la rechute et accepter si nécessaire de se faire aider.

Les substituts nicotiniques et d’autres médicaments facilitent la période de désaccoutumance à la cigarette, ils ne sont pas suffisants si ce travail de changement n’est pas fait. Des centaines de milliers de fumeurs ont pu arrêter seuls, car leur motivation avait été suffisamment mûrie avant de prendre la décision d’arrêt.

Par ailleurs, la prévention et la législation sont toujours utiles dans la démarche d’aide à l’arrêt.

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