Circulaire N° DGS/MC2/2012/136 du 28 mars 2012 relative à la représentation d’oeuvres artistiques et culturelles et d’images de fumeurs
CIRCULAIRE N° DGS/MC2/2012/136 du 28 mars 2012 relative à la représentation d’œuvres artistiques et culturelles et d’images de fumeurs.
Direction générale de la santé - Sous-direction Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques - Bureau des pratiques addictives
Le ministre du travail de l’emploi et de la santé La secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé
à
Mesdames et Messieurs les préfets de région, (pour information)
Mesdames et Messieurs les préfets de département (pour information)
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé (pour information)
Date d’application : immédiate
NOR : ETSP1209272C
Classement thématique : Protection sanitaire
Catégorie : Interprétation à retenir, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge, lorsque l’analyse de la portée juridique des textes législatifs ou réglementaires soulève une difficulté particulière.
Résumé : cette circulaire rappelle les mesures relatives à la publicité en faveur du tabac dans le cadre de la représentation d’œuvres artistiques et culturelles et d’images de fumeurs.
Mots clés : tabac –publicité – représentation artistique. Textes de référence :
- Articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du code de la santé publique.
Textes abrogés :
- Néant
Textes modifiés :
- Néant
Annexes
Préambule
Avec 60 000 morts attribuables par an, le tabac reste dans notre pays la première cause de mortalité évitable. C’est aussi la première cause de cancer et l’une des principales maladies cardio-vasculaires. L’offensive contre le tabac a eu des effets durables, notamment sur les publics - cibles que sont les jeunes et les femmes. Cependant, la France reste, avec environ 30% de fumeurs réguliers, loin de l’objectif d’une prévalence inférieure à 20%, tel que défini par l’OMS pour la région Europe et par le « Plan Cancer 2 ». La lutte contre le tabac est un impératif de santé publique et la France a mis en place à cette fin une politique exemplaire qu’il convient de pérenniser.
La publicité en faveur du tabac, qui cherche à banaliser le fait de fumer et tend à véhiculer une image positive du tabac liée au bonheur, à la liberté, au succès, au pouvoir, etc., a des effets sur la consommation. Il convient, par conséquent, de veiller à une application stricte de la législation en vigueur.
Le ministère chargé de la santé soutient à cette fin les associations de lutte contre le tabac, de même qu’il continue, ainsi qu’il l’a fait depuis de nombreuses années, à les financer pour faire respecter, y compris devant les tribunaux, les infractions à la réglementation en matière de publicité en faveur du tabac.
I - Interdiction de toute publicité directe en faveur du tabac
a) L’article L. 3511-3 du code de la santé publique pose le principe général de l’interdiction de toute publicité ou propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac : hormis les services de communication en ligne édités, à des fins professionnelles, par les professionnels du tabac, ou les publications imprimées ou en ligne à destination des autres États de la communauté européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, les seuls supports publicitaires autorisés en faveur du tabac sont les enseignes des débits de tabac et les affichettes qui peuvent être disposées à l’intérieur de ces établissements, dans les conditions de l’arrêté du 31 décembre 1992 publié au Journal officiel de la République française le 6 janvier 1993.
Le même article L. 3511-3 interdit toute opération de parrainage lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac.
La finalité, publicitaire et commerciale constitue une infraction, réprimée par l’article L. 3512-2 du même code.
Peuvent être également qualifiées d’illicites les images qui auraient pour effet, réel ou seulement vraisemblable, de promouvoir le tabac.
b) Toutefois, il ne ressort ni de l’esprit de la loi dite « Evin » à l’origine de la législation précitée, ni de l’application qui a pu en être faite dans la jurisprudence, ni des engagements internationaux de la France, qu’est interdite la représentation de personnages, historiques ou non, consommant un produit du tabac, surtout quand cela correspond à un trait de sa personnalité, dès lors que le but ou l’effet de cette communication n’est pas de nature publicitaire.
La représentation d’éléments liés au tabac, ou de fumeurs, dans des œuvres artistiques et/ou des images historiques ou d’actualité n’est interdite qu’en cas de propagande, parrainage, publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, c’est-à-dire dans le cadre d’une action utilisant des mots et images en vue de donner une représentation positive du tabac ou une image valorisante du fait de fumer.
Les dispositions du premier alinéa de l’article L. 3511-3 précité n’ont pas vocation à s’appliquer aux produits ou aux œuvres culturelles ou artistiques exposées au public lorsque ces dernières représentent des personnalités consommant un produit du tabac inséparable de leur image car elles ne présentent pas en elles-mêmes un caractère publicitaire.
Ainsi, la diffusion auprès du public de timbres postaux reproduisant des personnages historiques consommant un produit du tabac, ne soulève aucune difficulté.
De même, une œuvre cinématographique retraçant la vie d’un personnage dont l’histoire est indissociable d’un produit du tabac et sa promotion ne sont pas interdites au regard des dispositions du code de la santé publique, que les images émanent elles-mêmes de documents historiques ou que le personnage soit interprété par un comédien contemporain.
II - Interdiction de la publicité indirecte
Le 1er alinéa de l’article L. 3511-4 du même code dispose que « Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 lorsque, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une marque, d’un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L.3511-1 ».
Dans ce cadre, la vigilance sur le placement des produits du tabac au cinéma ou la résurgence de formes publicitaires prohibées dans toute autre manifestation culturelle doit rester de mise.
Toute publicité ne concernant pas le tabac ou du tabac ne doit pas utiliser des images ou tout autre support renvoyant au tabac. Ainsi la diffusion d’une image représentant un personnage illustre consommant un produit du tabac qui serait ostensiblement élargie au-delà de la sphère promotionnelle de l’opération ou de la manifestation artistique y afférente, conduira à s’interroger sur une tentative de contournement de l’interdiction de publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac.
a) A cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que compte tenu de l’importance de l’objectif de protection de la santé publique, de la nécessité de lutter contre le fléau du tabagisme et de l’existence d’un consensus européen sur la question de l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, les restrictions apportées, en l’espèce, à la liberté d’expression par la loi française répondent à un besoin social impérieux et ne sont pas disproportionnées au but légitime poursuivi (CEDH, 5 mars 2009, Affaire société de conception de presse et d’édition et Ponson c. France, Req n° 26935/05).
Il existe ainsi en la matière un consensus international, comme le montre la convention-cadre de lutte antitabac (premier accord international en matière de santé de l’organisation mondiale de la santé).
Cette convention, ratifiée le 19 octobre 2004 par la France, prévoit, dans son article 13, que « Chaque Partie, dans le respect de sa constitution ou de ses principes constitutionnels, instaure une interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac et de toute promotion et de tout parrainage du tabac ».
b) Les trois critères cumulatifs suivants peuvent utilement être retenus afin de déterminer si une représentation de personnages illustres ou non consommant un produit du tabac contrevient ou non aux dispositions du code de la santé publique :
- les campagnes doivent émaner d’annonceurs qui n’ont aucun lien avec l’industrie ou la distribution du tabac, et avoir une finalité exclusivement culturelle ou artistique ;
- les personnes représentées doivent être des personnages historiques, ou dont la notoriété est reconnue, disparus ou non, ou figurer dans des œuvres d’art partie intégrante d’une promotion publicitaire pour une manifestation artistique. La représentation sous forme de photographie d’une personne vivante de notoriété reconnue avec un produit du tabac n’est possible que pour les photographies anciennes ;
- les produits de consommation du tabac, représentés et utilisés dans les œuvres culturelles ou artistiques doivent être inséparables de l’image et de la personnalité de la personne qui y figure.
III – Conduite à tenir
Il conviendra, dans les cas qui pourraient sur ces points sembler litigieux, de solliciter au cas par cas l’avis des services de la direction générale de la santé – Sous-direction « promotion de la santé et prévention des maladies chroniques » - bureau des pratiques addictives et du Ministère de la Culture.
Il convient parallèlement d’inciter au développement de bonnes pratiques interprofessionnelles. Le relai des éléments ci-dessus développés, notamment par le biais de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), est un garant de la bonne application de la loi. Ainsi lorsque l’ARPP sera saisie par une demande de conseil avant la diffusion d’une publicité, quel que soit le média envisagé, elle déconseillera la représentation, dans des campagnes publicitaires, de produits de consommation du tabac, à l’exception des cas où les trois critères cumulatifs cités ci-dessus sont réunis.
Nous rappelons, enfin, que rien n’interdit à une personnalité illustre de faire elle-même le choix, quand bien même son image serait indissociable des produits de consommation du tabac, d’être représentée sans que figure dans l’image les produits du tabac en question.
Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
Xavier Bertrand
La secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé
Nora BERRA
Documents joints
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