Chronique n°9 : tabagisme passif et ultra passif
Tabagisme passif
Les fumeurs actifs sont responsables, mais aussi victimes du tabagisme passif
On a peu étudié le risque de tabagisme passif chez les fumeurs actifs, estimant que la dose de produits toxiques absorbée en était négligeable par rapport à la dose absorbée en fumant. Une équipe italienne a mesuré le benzo-a-pyrène* de l’air ambiant des stands de vendeurs de journaux, un espace confiné avec une seule petite ouverture, où ils vivent 12 heures par jour. Ces vendeurs fumaient en moyenne 14 cigarettes/j. La ré inhalation de l’air contaminé par le courant secondaire (celui qui s’échappe de la cigarette entre les bouffées) correspondait à 2,6 cigarettes supplémentaires, auxquelles il faut ajouter le benzo-a-pyrène de la pollution automobile urbaine qui correspond à 1,3 cigarette/j. en moyenne. Piccardi MT et coll., Environmental Health, Janvier 2010 * benzo-a-pyrène : hydrocarbure aromatique polycyclique , un« goudron » de la fumée
Tabagisme et insomnie
40 millions d’américains et 10% des français souffrent d’insomnie chronique avec les conséquences qui en découlent : troubles cardio-vasculaires et risque d’accidents de la voie publique. Les fumeurs ont un risque relatif de troubles du sommeil 1,7 fois plus grand que les non fumeurs. Mais l’exposition au tabagisme passif ne semble pas statistiquement jouer un rôle dans l’insomnie. Davila EP et coll., Nicotine Tobacco Research, Mars 2010
Fumée tertiaire, Troisième fumée, Fumée ultra passive… Celle qui se dépose sur les surfaces : murs, meubles, rideaux, moquettes, garnitures des voitures, mais aussi peau et vêtements des fumeurs et laisse cette odeur de tabac froid. On s’y intéresse de plus en plus : cf. les articles ci dessous
Le tabagisme passif est responsable de l’inhalation de particules nanométriques
Une machine à fumer a dispersé dans une pièce fermée la fumée de cigarettes réalisant les conditions de tabagisme passif. 14 volontaires sains ont inhalé cette fumée, dont une machine a analysé les caractères des particules. 75% d’entre elles avaient un diamètre inférieur à 100 nanomètres.
L’étude a révélé deux conséquences :
20% des particules étaient retenues dans les voies aériennes des sujets exposés à la fumée, d’où elles peuvent rapidement migrer dans tout l’organisme.
Après 2 heures, il n’y avait plus que 3% des particules en suspension dans l’air. Les résidus de la fumée s’étaient déposés sur les surfaces.
Si la pièce n’est pas nettoyée et aérée, ces nanoparticules peuvent être remises en suspension à tout moment et être inhalées ou ingérées, particulièrement par les petits enfants
Becquemin MH, Dautzenberg B 18èmes Journées du GEST, 14 et 15 Janvier 2010.
Fumer en dehors de la maison protège t’il les enfants du tabagisme passif ? 58 enfants asthmatiques et non fumeurs, mais recrutés dans des familles de fumeurs ont été suivis à la Clinique de l’Asthme de Cambridge (G.B.). Dans 43 cas (74% des familles), les parents signalaient qu’ils ne fumaient qu’en dehors de la maison. Et pourtant 89% des enfants avaient des taux de cotinine détectables dans les urines, confirmant l’exposition au tabagisme passif. Pool J. et coll., Commun. au Congrès de la Société Respiratoire Européenne. Septembre 2009
Les enfants ne peuvent éviter d’être exposés au tabagisme parental
Une étude publiée en 2004 a montré que, même dans les foyers où les parents essayaient de protéger leurs nourrissons en ne fumant pas en leur présence, l’air, la poussière et les surfaces de la maison, les jouets étaient en contact avec la fumée ( on a mesuré la nicotine dans l’air et sur les surfaces). La contamination des nourrissons, par inhalation ou ingestion de poussières et même contact cutané avec la mère, était prouvée par la mesure de la cotinine dans les urines et les cheveux. Dans les foyers où on fumait en présence de l’enfant, la contamination était 3 à 8 fois plus importante que dans les foyers où on ne fumait pas en présence de l’enfant. Et 15 à 56 fois plus importante que dans les foyers de non fumeurs. Matt GE et coll., Tobacco Control 2004, Volume 13 N° 1.
Les résidus de fumée se transforment en produits potentiellement cancérigènes
La nicotine de la fumée qui se dépose sur les surfaces de la maison peut y rester des mois et être remise en suspension. Mais au contact de l’acide nitreux de l’air ambiant (HONO), elle forme des nitrosamines spécifiques du tabac, substances hautement cancérigènes. Or une cigarette qui brûle peut émettre jusqu’à 8 mg de nicotine, dont 0,4% serait transformée en nitrosamine. Les enfants qui touchent à tout y sont particulièrement vulnérables Sleiman M. et coll., Annales de l’Académie Américaine des Sciences (PNAS) 8 Février 2010 publication en ligne avancée
Voici quelques phrases tirées d’articles du Professeur Lagrue, pionnier de la Tabacologie Française, qui permettent de mieux comprendre l’addiction au tabac :
A propos des fumeurs dépendants qui désirent se sevrer du tabac « Plusieurs faits doivent guider leur prise en charge :
- la dépendance tabagique (DT) est liée à des mécanismes comportementaux et pharmacologiques dont la nicotine est le principal responsable
- la DT évolue sur plusieurs années en plusieurs stades successifs…
- la DT est une maladie chronique, ce qui implique un suivi et un accompagnement prolongés
- le DT est souvent associée à des troubles anxieux et dépressifs et à l’usage d’autres substances psycho actives… » in Réalités cardiologiques, Septembre 2007. « Malgré la nette réduction du tabagisme en France, il s’est constitué progressivement un noyau dur de fumeurs très dépendants, chez lesquels existe une vulnérabilité psychologique, caractérisée par des troubles de l’attention et de l’équilibre émotionnel » In : Tabac et Cognition, Le Généraliste, Janvier 2009
Le rôle de l’activité sportive dans l’aide à l’arrêt du tabac « Le tabac peut rendre dangereuses certaine activités physiques »…. : la fonction respiratoire est altérée, le transport de l’oxygène est diminué, les artères sont obstruées , le métabolisme musculaire est réduit. Tout ceci peut provoquer des accidents cardiaques ou coronariens et un risque de mort subite …. « Et inversement ces activités constituent un élément important dans la lutte contre le tabagisme : le sport (peut) lutter contre les effets secondaires du sevrage ( comme) la prise de poids. L’arrêt du tabac est souvent à l’origine de troubles psychologiques, le sport à condition d’être pratiqué régulièrement est un moyen très efficace pour conserver un bon équilibre psychologique… (il) va apporter une compensation à la perte des sensations positives qu’apportait la cigarette » In Sport, Santé et Préparation Physique, Novembre 2007
Et pour finir : …. « Barack Obama continue à fumer de temps en temps et son taux de mauvais cholestérol est légèrement supérieur à ce qu’il devrait être… » Renée Carton, Quotidien du Médecin N° 8722, 5 Mars 2010, page 1.
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