Analyse de la proposition de Jacques Attali Imprimer l'article

Le 6 févier dernier, Jacques Attali abordait dans son blog la question de l’interdiction du tabac : « Avec le scandale du médiator, il faut se demander pourquoi on ne traite pas avec la même sévérité le tabac qui est un produit beaucoup plus mortel »… « Il faudrait donc interdire la production, distribution et consommation du tabac : si les effets économiques sont négatifs au début, sur le long terme les gains en espérance de vie et même les bénéfices économiques seraient plus positifs ».

Interdire le tabac est une position populaire commune aux anti-tabac, par raison, et aux pro-tabac, par provocation. Ceci dit, il s’agit d’une idée qui a l’avantage d’être concrète car elle s’attaque au mal à sa racine. Elle à cependant le désavantage de ne pas être réaliste : économiquement, socialement, culturellement il est très improbable qu’une mesure comme celle-là puisse se mettre en place du jour au lendemain (il faudrait, par exemple, un accord mondial pour interdire la production).

Cependant, en évoquant cette possibilité, Jacques Attali remet au cœur du débat public la problématique du tabac et de ses conséquences, dans un contexte social et médiatique qui, à l’abri des discours pseudo-libéraux, est de plus en plus favorable à la cigarette.

Cet article a un autre avantage : il permet de remarquer que la politique de santé publique menée depuis la loi Veil, puis la loi Évin, est faite sur la base d’un dispositif légal plutôt cohérent, progressif et réaliste, visant fondamentalement à limiter l’attractivité du tabac. En effet, le dispositif très complet de lutte contre le tabac en France a permis de faire changer progressivement l’opinion publique, l’opinion des médias et l’opinion des autorités sur ce comportement (fumer) qui a été considéré comme étant la normalité pendant plus d’un siècle. Il faut pourtant reconnaitre, comme le dit très clairement Jacques Attali, que la consommation du tabac en France n’a pas diminué : ceci est en effet la conséquence d’un nombre important d’attaques visant à dénaturer la législation et à la vider de son contenu : par exemple,

  1. la proposition de loi Mathus pour diminuer la portée de l’interdiction de la publicité en faisant appel à l’exception culturelle pour l’opposer, de manière erronée, à la loi Évin qui n’y est pour rien ;
  2. le nombre de contournements à l’interdiction de fumer (cf. les terrasses), contournements de plus en plus nombreux et qui comptent sur la tolérance des agents chargés de contrôler le respect de l’interdiction mais qui refusent de le faire.
  3. dans le discours actuel de certains médias, de parlementaires et même de magistrats, il ne faudrait pas aller « trop loin » dans l’application de la loi et donc accepter que l’on fume dans certains lieux à usage collectif, clos et couverts. Le risque étant de vider la loi de sa substance et de priver la majorité des Français d’une véritable protection contre ce fléau.

C’est maintenant à nous, en tant que citoyens, de décider si nous allons continuer à courber l’échine devant cette coalition hétéroclite que l’industrie du tabac mène par le bout du nez ! Soit on se dirige vers un durcissement de l’arsenal législatif, soit on finit par convenir que toutes les dispositions existantes vont vers une réduction de l’attractivité, de l’offre et de la demande du tabac dans un cadre peu contraignant qui permet de protéger la santé et le bien-être de l’immense majorité des Français tout en évitant aux plus jeunes de commencer et en accompagnant ceux qui sont déjà dépendants mais souhaitent s’arrêter.

Bonne lecture !

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