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Tribune

Opinion | Paquet à 10 euros : accompagner les fumeurs précaires et à risque

L'augmentation du prix du paquet de cigarettes touchera plus durement les plus pauvres que les plus riches. Pour les professeurs Arnaud Chéron et Léontine Goldzahl, il faudrait accompagner ces fumeurs précaires et étendre le dispositif aux femmes enceintes.

Une nouvelle augmentation de la taxe sur le tabac se répercuterait plus lourdement sur le budget des personnes les plus précaires.
Une nouvelle augmentation de la taxe sur le tabac se répercuterait plus lourdement sur le budget des personnes les plus précaires. (Shutterstock)
Publié le 22 nov. 2019 à 11:00

D'ici la fin de l'année 2020, le prix moyen d'un paquet de cigarettes devrait atteindre 10 euros. Si l'augmentation de la fiscalité sur le tabac est une mesure qui peut permettre de réduire le tabagisme quotidien, il convient de s'interroger sur les effets différenciés dans la population d'une telle augmentation des taxes et sur les mesures qu'il serait souhaitable de voir mises en oeuvre en parallèle.

Le tabagisme quotidien diminue en France, mais les inégalités sociales face au tabagisme demeurent considérables. En 2017, la prévalence du tabagisme parmi les individus ayant un diplôme inférieur au bac était de 29,3 % alors qu'elle ne représentait que 19,8 % de ceux ayant un diplôme supérieur au bac selon le Baromètre Santé. Si le tabagisme quotidien tend à diminuer en moyenne, c'est surtout chez les populations les plus aisées.

Dans un tel contexte, une nouvelle augmentation de la taxe sur le tabac se répercuterait plus lourdement sur le budget des personnes les plus précaires puisque ce sont elles qui consomment le plus de cigarettes. Cette augmentation du prix risque donc d'aggraver les inégalités sociales face au tabagisme sauf si elle est compensée par une plus forte propension à arrêter de fumer chez les personnes les moins aisées. Des mesures d'accompagnement ciblées semblent de ce fait essentielles.

Plus de remboursements

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Globalement, les substituts nicotiniques, ou d'autres services de soutien pour accompagner les fumeurs dans leur effort pour arrêter de fumer ont largement montré leur efficacité. Les mesures prises par les derniers gouvernements vont dans ce sens. Des dispositifs publics et gratuits d'accompagnement à l'arrêt du tabac ont été mis en oeuvre comme l'application Tabac Info Service. Le nombre de professionnels de santé autorisés à prescrire des traitements de substitution nicotinique a également été étendu. Enfin, les substituts nicotiniques sont remboursés à 65 % par l'Assurance Maladie depuis le 1er janvier 2019. Les 35 % restants sont à la charge de la personne ou pris en charge par les complémentaires santé.

Limiter l'impact en termes d'inégalités sociales d'une augmentation du prix du tabac passe toutefois par un élargissement des modes de prise en charge du sevrage tabagique (remboursement systématique des consultations en tabacologie) et une augmentation de la part des substituts nicotiniques remboursée par l'Assurance maladie, afin d'atténuer les coûts financiers liés à l'accompagnement du sevrage pour les populations les plus précaires.

Interventions innovantes

Parallèlement, des interventions plus innovantes devraient également cibler des populations à risque telles que les femmes enceintes ou les adolescents et jeunes adultes. Les femmes enceintes fumeuses représentent une des populations à haut risque pour laquelle les conséquences du tabagisme sont considérables. Le tabagisme pendant la grossesse a des effets négatifs non seulement sur l'état de santé de la mère, mais aussi sur celui de l'enfant à naître et ce jusqu'à l'âge adulte.

Or, en France, 17 % des femmes enceintes déclaraient fumer au moins une cigarette par jour au cours du troisième trimestre de grossesse selon l'enquête périnatale effectuée en 2016. Une option consisterait à mettre en place des incitations financières conditionnelles à l'arrêt du tabac, dispositif en cours de test en France, mais dont les résultats obtenus en Angleterre ont déjà démontré que pouvait en résulter une diminution du tabagisme pendant la grossesse.

Si, lutter efficacement contre le tabagisme passe indéniablement par une nouvelle hausse du prix du tabac, il faut en même temps garantir une prise en charge cohérente et ambitieuse des populations les plus précaires et à risque.

Arnaud Chéron est directeur du pôle de recherche en économie à l'Edhec. Léontine Goldzahl y est professeur associée.

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