TABAC - C'est la première fois depuis 2007 que le prix du tabac n'augmentera pas en France au premier janvier. Dans le cadre du budget rectificatif de 2014, les députés ont opté pour cet amendement à l'Assemblée nationale vendredi 5 décembre, qui modifie le calcul de la fiscalité des prix du tabac.
Le plan antitabac présenté en septembre 2014 par la ministre de la Santé Marisol Touraine ambitionne, grâce à un ensemble de mesures, de faire baisser le nombre de fumeurs -13 millions actuellement - d'environ 10% en 5 ans. Cette décision est un pas en arrière, pour beaucoup d'associations contre le tabac.
Loin de faire l'unanimité, cet amendement est dénoncé comme favorable aux fabricants de tabac. Des associations antitabac dénoncent un gouvernement qui aurait cédé face à la pression des lobbys de l'industrie, quand les députés socialistes défendent un choix délibéré, et une mesure de lutte face à la contrebande.
"Favoriser l'industrie du tabac"
L'association Droit des non-fumeurs (DNF) dénonce dans un communiqué une modification qui "gèle la fiscalité du tabac et casse le mécanisme de hausse automatique des prix, au plus grand profit de l'industrie du tabac". Elle qualifie de "consternant et gravissime" cet amendement soutenu par le gouvernement. DNF dénonce un ensemble d'amendements qui "favorisent l'industrie du tabac" et qui ont été inspirés par les cigarettiers et les buralistes.
Autre association, l'Alliance contre le tabac critique "l'incohérence du gouvernement qui, d'un côté, se dote de nouvelles armes pour lutter contre le tabagisme avec le plan national de réduction du tabagisme, et de l'autre, abandonne en rase campagne la politique fiscale qui est l'arme la plus efficace pour lutter contre la consommation de tabac".
"Cette décision traduit malheureusement l'influence majeure de ce lobby en France qui ne cesse de mettre à mal les mesures efficaces pour réduire la consommation de tabac", déplore le Comité national contre le tabagisme (CNCT), une autre association qui évalue à 160 millions d'euros le manque à gagner pour les recettes de l'Etat.
La pression des lobbys?
Pour Michèle Delaunay, le gouvernement a cédé. La députée socialiste rappelle les nombreuses manifestations menées par les buralistes récemment. Ces mouvements ont pu influencer selon elle l'orientation de cette politique en faveur des fabricants et des buralistes. "Nous avons cédé sans rien obtenir d'eux en contrepartie. Le prix est pourtant l'arme la plus efficace pour réduire la consommation et éviter l'entrée dans l'addiction", souligne-t-elle dans les lignes de l'Expansion.
Quant à la pression des lobbys, elle l'évoque à demi-mots. "On peut s'interroger. Les cigarettiers sont puissants et extrêmement organisés. Ils nous empêchent d'avoir une politique ferme dans la lutte contre le tabac", détaille-t-elle.
Quel manque à gagner pour l'Etat?
Le tabac, et ses taxes, rapportent beaucoup à la France. Les associations, tout comme la rapporteure socialiste du Budget, Valérie Rabault, déplorent un manque à gagner important pour l'Etat. "Les recettes de vente iront alimenter les marges des fabricants de cigarettes et plus les caisses de la Sécurité sociale", explique Valérie Rabault dans Les Echos.
Alors combien rapporte vraiment le tabac à l'Etat? L'Expansion fait état de recettes qui s'élèvent à 14 milliards d'euros, dont 3 milliards de TVA. Ces recettes vont au financement de la branche maladie pour la sécurité sociale. Pour Valérie Rabault, ce gel du prix du tabac représente 160 millions d'euros en moins dans les caisses.
En face, les députés qui ont voté l'amendement se défendent. En effet, si les baisses des ventes de tabac en France diminuent proportionnellement à l’augmentation des paquets de cigarettes, le nombre de fumeurs, lui, reste stable, affirme Razzy Hammadi, député socialiste. Cette mesure vise donc également, selon lui, à lutter contre une industrie parallèle toujours plus importante.