"50 bouffées de shisha en 1h = 2 paquets de cigarettes" C'est l'avertissement repéré dimanche soir par les journalistes présents au stade Louis-II pour assister à la rencontre de Ligue 1 entre Monaco et le PSG. Dans les couloirs du stade, les dirigeants monégasques ont épinglé des affiches visant à alerter leurs joueurs sur les méfaits sur la santé de la chicha, cette grande pipe à eau qui permet de consommer du tabac.
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Le message alerte aussi sur "l'image déplorable" que la chicha peut donner aux sportifs de haut niveau. Difficile de ne pas y voir une référence aux affaires Serge Aurier et Layvin Kurzawa, qui ont montré que la consommation de narguilé était en vogue dans le monde du football. Le 13 février 2016, l'international ivoirien, alors joueur du PSG, s'était filmé en direct sur l'application Periscope en train de répondre à des questions posées par un ami fumant une chicha. L'actuel défenseur de Tottenham avait dérapé et s'en était pris à son entraîneur Laurent Blanc, ainsi qu'à plusieurs membres de l'effectif parisien
"Tous les clubs font face à ce fléau"
Un an et demi après, son ancien coéquipier Layvin Kurzawa s'est à son tour retrouvé au coeur d'une histoire sur fond de chicha. Europe 1 a révélé que le latéral gauche des Bleus avait été victime quelques semaines plus tôt d'un chantage à la vidéo lors d'une soirée entre amis, dans un bar à chicha de la capitale. Si elle reste un sujet tabou, la consommation de chicha s'est répandue dans les clubs français professionnels depuis quelques années. "On ne voyait quasiment aucun joueur en fumer il y a dix ans. C'est aujourd'hui devenu quelque chose de banal", indique à L'Express l'ancien médecin d'un club de Ligue 1.
"Il y a ceux que ça n'intéresse pas et ceux qui sont totalement accrocs. La plupart vont dans des bars à chicha, mais d'autres ont leur propre matériel. Ils l'emmènent avec eux quand ils jouent à l'extérieur pour pouvoir fumer dans leur chambre d'hôtel la veille des matchs. Tous les clubs font face à ce fléau", nous confie-t-il. "Ça concerne surtout les jeunes. Les dirigeants sont au courant de leurs pratiques, mais du moment qu'il n'y a pas de fumée dans les vestiaires et que ça n'influe pas sur leur niveau, c'est très souvent toléré. Certains se débrouillent tout de même pour fumer dans les vestiaires", nous assure un attaquant passé notamment par la France et l'Angleterre.
"Une heure de chicha, c'est 100 cigarettes"
La problématique de la chicha n'épargne pas non plus l'équipe de France, qui s'en était emparé à l'arrivée de Laurent Blanc en 2010. "Il m'avait demandé de faire un travail de prévention auprès des joueurs, de leur rappeler que ce n'est pas seulement une distraction", se souvient Fabrice Bryand, docteur des Bleus de 2010 à 2012, qui estime que l'usage de la chicha "est désormais bien implanté en Ligue 1". "Sans la diaboliser, il faut prendre conscience de ses dangers. En fumer pendant une heure dans un bar, c'est comme fumer 100 cigarettes. C'est hautement nocif pour la santé, sa toxicité est considérable", poursuit-il.
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À moins de posséder sa propre chicha ou d'en profiter dans un établissement à la propreté irréprochable, il existe aussi un risque de transmission de maladies virales contagieuses, comme l'herpès, puisque tout le monde inspire la fumée par le même embout. "Les joueurs doivent aussi faire attention à bien consommer du tabac et non pas des produits interdits pour ne pas s'exposer à un contrôle antidopage positif. Je ne suis malheureusement pas sûr qu'ils soient tous au courant de ce qu'il y a dans leur chicha", appuie Fabrice Bryand, qui a également passé 21 ans au FC Nantes.
"C'est de leur responsabilité"
Comme expliqué sur les affiches placardées sur les murs du stade Louis-II, un footballeur risque de se voir attribuer une mauvaise image s'il s'affiche narguilé au bec. "Même s'il n'est qu'un consommateur occasionnel, un joueur doit veiller à ne pas se monter sur les réseaux sociaux avec une chicha. Ça peut avoir un impact sur sa réputation et un club saura s'en rappeler au moment de négocier avec lui pour un transfert", nous glisse un agent. Peu de footballeurs reconnaissent d'ailleurs publiquement leur faible pour la chicha. Interrogé sur le sujet mardi en conférence de presse, le Marseillais Bouna Sarr a lui été transparent.
"C'est occasionnellement un petit plaisir, comme certaines personnes peuvent avoir un péché mignon pour les gâteaux, les bonbons", a-t-il reconnu. "Mes joueurs sont de grands garçons. Moi, je n'ai rien à leur interdire. Ce qu'il faut, c'est expliquer ce qui est bon et ce qui n'est pas bon", a réagi son entraîneur Rudi Garcia. Comme lui, le technicien lyonnais Bruno Genesio privilégie la prévention plutôt que la répression pour contrôler le développement de la chicha, mais prône aussi la responsabilité individuelle: "C'est de leur responsabilité de savoir ce qu'ils veulent faire de leur carrière."