SOCIAL - C'est la mesure la plus emblématique, donc la plus discutée. Et pourtant, la modulation des allocations familiales n'est pas la décision qui rapportera le plus au budget de la sécurité sociale (PLFSS). Ce texte sera soumis au vote des députés ce mardi après-midi avant une navette au Sénat. Discuté toute la semaine dernière, il doit permettre de boucher une partie du trou de la Sécu.
Une semaine après l'adoption à l'arraché du volet recettes du Budget 2015, le nombre des députés socialiste abstentionnistes sera encore scruté de très près. Ils reprochent au PLFSS de consacrer les allègements de cotisations sociales patronales, dont le principe a été adopté en juillet, sans les conditionner à des créations d'emplois. Et contestent l'ampleur des économies que François Hollande, engagé dans un délicat bras de fer avec Bruxelles, n'entend ni réduire, ni augmenter.
Au final, c'est près de 10 milliards d'euros d'économie qui sont attendus dans ce texte. Pour s'y retrouver dans la jungle du PLFSS, Le HuffPost vous propose de ne retenir que les dix chiffres les plus importants.
Mises bout à bout, les dépenses de prestations sociales contenues dans le PLFSS 2015 culminent à 476,6 milliards d'euros. La somme, vertigineuse, est largement supérieure (environ 100 milliards d'euros) à l'ensemble du budget de l'Etat. Pour le seul régime général (salariés du privé), la somme atteint 348,6 milliards d'euros pour un déficit (le trou de la Sécu) qui avoisine les 13,5 milliards d'euros.
Pour l'année prochaine, le gouvernement vise 9,6 milliards d'euros d'économies dans le champ social, incluant Sécurité sociale, assurance chômage, retraites complémentaires obligatoires. Lors des discussions dans l'hémicycle, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a fait savoir que 4 milliards étaient issus de réformes déjà réalisées tandis que 5,6 sont contenus dans ce PLFSS.
Pour s'éviter un coup de rabot sur plusieurs prestations sociales, François Hollande s'est résolu à accepter une modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Si l'universalité est maintenue dans le principe du versement, tous les foyers ne recevront pas la même somme. Le montant est divisé par deux (65 euros par mois) à partir de 6000 euros de revenus mensuels pour un foyer avec deux enfants, et par quatre (32 euros) à partir de 8.000 euros de revenus.
Pour éviter les effets de seuils, un mécanisme de lissage est mis en place: pour éviter "l'effet de seuil" : tout euro gagné au-dessus des seuils de revenus fixés entraînera la réduction des allocations d'un euro. Un foyer avec deux enfants et des revenus de 6010 euros verra par exemple ses allocations non pas divisées par deux mais réduites de 10 euros, a cité la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine.
Fini le taux réduit de CSG pour près de 500.000 retraités, parmi les plus aisés. Fondée sur un nouveau seuil de revenus, la réforme vise ceux qui bénéficiaient jusqu'alors du taux réduit de 3,8% "uniquement grâce à des réductions fiscales". Ils passeront donc au taux normal de 6,6%. Mais dans le même temps, 700.000 personnes concernées par la réduction d'impôt de 2014 (elles appartiennent aux classes moyennes inférieures) bénéficieront d'une baisse de leur taux de CSG.
Le gouvernement a décidé de poursuivre la réforme du congé parental entreprise dans la loi sur l'égalité femmes-hommes. Dans l'absolu, la durée sera toujours de trois ans, à compter du second enfant. Seulement, un parent ne pourra pas s'arrêter plus de deux ans. La troisième année devra obligatoirement être prise par le second parent. L'exécutif fait le calcul que les pères ne feront pas le choix de prendre le congé ce qui conduira à des économies chiffrées à plusieurs centaines de millions d'euros.
A partir du 1er janvier 2015, les bénéficiaires de l'ACS (aide pour l'acquisition d'une assurance complémentaire santé), soit un peu plus d'un million de personnes, ne paieront plus la franchise médicale. Son montant forfaitaire est de 0,50€ par acte paramédical et par médicament, de 1€ par consultation et de 2€ par transport sanitaire, dans la limite de 50 euros par an. Cette franchise était jugée antisociale par de nombreux responsables de gauche, puisqu'elle frappe de la même manière les patients pauvres et aisés.
Marisol Touraine : future suppression des...par LeHuffPost
Le gouvernement et l'UMP étaient contre mais la majorité socialiste a décidé d'aligner le montant des taxes sur les cigares et cigarillos au même niveau que les cigarettes. L'Association des fournisseurs de cigares en France (AFCF), qui affirme représenter la quasi-totalité des fabricants des cigares et cigarillos commercialisés par les buralistes, a estimé que cela augmentera de 10 euros le paquet de 20 cigarillos.
L'ex-ministre Michèle Delaunay (PS) a mis en avant le fait que "la nocivité (des différents produits du tabac) est exactement la même". A l'inverse, le gouvernement a affirmé qu'"augmenter la fiscalité fait augmenter les achats illégaux".
Le PLFSS prévoit l'expérimentation durant trois ans d'"hôtels hospitaliers" à proximité d'hôpitaux; ces structures doivent servir de sas avec le domicile pour certains patients. Ce "dispositif innovant" qui existe déjà à Toulouse (Maison d'accueil Le Laurier Rose) et Paris (Ambulotel de l'Hôtel-Dieu) doit permettre de "réduire un certain nombre d'hospitalisations inutiles", selon Olivier Veran, député de l'Isère et ancien professeur au service de neurologie au CHU de Grenoble.
Le gain potentiel est considérable dans la mesure où, selon lui, une nuitée dans un tel "hôtel hospitalier" coûte 60 euros contre 1500 pour une journée d'hospitalisation.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement des radicaux de gauche qui accroît les sanctions pénales contre ceux qui se désaffilient de la Sécurité sociale. "Il importe d’adopter des mesures plus dissuasives face à des mouvements qui incitent de plus en plus d’assurés à se désaffilier et qui remettent en cause le système solidaire et universel de sécurité sociale français", selon les députés du groupe RRDP.
Toute personne qui refuse délibérément de s'affilier ou persiste à ne pas engager les démarches en vue de son affiliation obligatoire à la Sécurité sociale sera punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 15.000 euros. L'amende peut atteindre 30.000 pour ceux qui incitent à la désaffiliation.
L'ultime question autour du PLFSS est la manière dont il sera adopté par l'Assemblée nationale. Le 21 octobre, le Budget a été voté malgré l'abstention de 39 députés socialistes frondeurs. "Il y a des mesures dedans, des économies extrêmement importantes qui sont faites sur la sécurité sociale qui à mes yeux ne vont pas dans le bon sens", a ainsi estimé l'ancien ministre Benoît Hamon. Mardi matin, ils ont confirmé leur intention de s'abstenir sur ce vote.
Certains députés sont convaincus que le nombre de frondeurs va grandir; pour faire face, est évoqué un recours de dernière minute à l'article 49-3 de la Constitution. Cela permet au gouvernement de faire adopter le PLFSS sans vote à condition qu'une motion de censure ne l'oblige pas à démissionner. Si Manuel Valls décidait d'avoir recours à ce dispositif, il serait le premier chef de gouvernement à le faire depuis Dominique de Villepin en 2006.